Malgré la position de principe adoptée par l’assemblée plénière de la Cour de cassation dans son arrêt du 29 juin 2007 (n°06-18.141), la mise en œuvre de la responsabilité des associations sportives, du fait de leurs membres, continue de susciter des difficultés.

En effet, il convient de rappeler que l’article 1384 alinéa 1er du Code civil a institué une présomption de responsabilité à l’encontre de celui qui a la garde de la chose ou la responsabilité des personnes dont il doit répondre, tel qu’un salarié, un employé ou un membre d’une association exerçant une activité sportive encadrée.

Dans son arrêt de principe rendu le 29 juin 2007, la Cour de cassation est revenue sur sa position précédente concernant cette présomption de responsabilité et exige maintenant une faute caractérisée pour retenir la responsabilité des associations sportives du fait de leurs membres.

La Cour de cassation a cependant précisé que cette violation fautive de la règle du jeu, commise par un ou plusieurs joueurs, n’exigeait pas que ces derniers soient identifiés pour engager la responsabilité de l’association sportive.

Il s’agit en définitive de la transposition de la théorie de l’acceptation des risques du pratiquant d’une activité physique et sportive, qui accepte de subir potentiellement les dommages inhérents à cette activité sportive, lorsque celle-ci se déroule dans le respect du règlement applicable.

Un arrêt de la Cour d’Appel de ROUEN du 5 septembre 2007 vient illustrer les difficultés de mise en œuvre de la responsabilité d’une telle association sportive.

1°) Sur le fondement de la position antérieure de la Cour de cassation, le Tribunal de Grande Instance de DIEPPE avait condamné dans un jugement du 22 septembre 2005 une association sportive de football à la suite des blessures occasionnées à un joueur de l’équipe adverse durant un match officiel.

En l’espèce, la victime avait été blessée au genou droit par un tacle réalisé par un joueur adverse, qui venait de remplacer le gardien de but sanctionné par l’arbitre.

Le tacle est autorisé par les instances sportives comme une action de jeu s’il est effectué en évitant l’adversaire.

Il ne fait cependant plus partie du jeu habituel du football et revêt un « caractère fautif » s’il a pour objectif d’atteindre l’adversaire avant de jouer le ballon ou, d’évidence, de mettre en danger son intégrité physique.

En première instance, le Tribunal avait fait application de la présomption de responsabilité civile de l’article 1384 alinéa 1er pour condamner l’association sportive dont le membre était l’auteur des faits et ayant occasionné le dommage à la victime, membre de l’équipe adverse.

2°) La Cour d’Appel de ROUEN a réformé la décision de première instance en tenant manifestement compte de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 juin 2007.

Elle a ainsi rappelé justement que l’identification de l’auteur du fait dommageable n’était pas nécessaire à la reconnaissance de la responsabilité de l’association sportive.

Elle a également rappelé à juste titre que l’absence de sanction arbitrale du joueur incriminé n’avait aucune portée quant à l’appréciation fautive ou non des faits par la juridiction.

Après une analyse factuelle de l’incident, la Cour d’Appel a ensuite considéré que la preuve n’était pas rapportée que l’auteur des faits avait commis une erreur flagrante aux règles du jeu (faute caractérisée par une violation des règles du jeu) de nature à fonder la mise en œuvre de la responsabilité délictuelle de l’association sportive.

Elle a ainsi relevé, par une motivation appropriée, que l’incident s’était produit à la suite d’une glissade non maîtrisée et non par un geste révélateur d’une intention malveillante.

La Cour d’Appel a donc réformé le jugement de première instance et exonéré l’association sportive d’une quelconque responsabilité délictuelle.

3°) Dans cette affaire, on relèvera que l’assureur responsabilité civile professionnelle de l’association sportive poursuivie était le même que celui de la Ligue de Football, organisatrice des compétitions.

En l’espèce, la Cour d’Appel a donc logiquement limité l’indemnisation de la victime aux garanties contractuelles (dommages corporels) qui figurent dans le contrat « d’assurance de licence », c’est à dire le contrat d’assurance de groupe souscrit auprès de la Ligue de Football par le biais de l’adhésion à la licence de football.

La Cour d’Appel s’est ainsi positionnée sur la possibilité de cumuler les garanties responsabilité civile de l’association et les garanties contractuelles de l’assurance de licence pour indemniser la victime.

Il n’est donc plus possible d’affirmer que les associations sportives sont responsables de plein droit des faits, même non fautifs, de leurs membres au sens de l’alinéa 1er de l’article 1384 puisque la présomption de responsabilité est écartée et que la victime doit démontrer l’existence d’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu commise par un ou plusieurs joueurs, même non identifiés, afin de pouvoir engager la responsabilité quasi délictuelle de l’association concernée

Dans cette hypothèse, seule la garantie contractuelle de l’assurance de groupe adossée à la licence sportive peut donc être activée par la victime.

Les dirigeants d’associations veilleront donc à ce que leur groupement et leurs membres soient bien assurés au titre de leur responsabilité civile conformément à l’obligation visée par l’article L 321-1 du Code du sport.

Pour mémoire, le fait pour le responsable d’une association sportive, de ne pas souscrire les garanties d’assurance dans les conditions prévues à l’article L 321-1 précité est puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 7 500 euros.

 

En savoir plus :

CA Rouen 1ère ch. 05/09/2007 jurisdata n°2007-342.554

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