La protection des consommateurs est garantie par la responsabilité de plein droit du fabricant. Le code civil laisse néanmoins à la charge de la victime la preuve du fait du produit, du dommage et du lien de causalité (arrêt du 4 février 2015).

1-La passagère d’une motomarine est projetée en arrière lors d’une accélération de l’engin et gravement blessée par la pression de la turbine du véhicule. Elle assigne en réparation le propriétaire de l’engin et son assureur qui appellent en garantie le fabricant de l’engin.

2-Pour condamner le fabricant à garantir le propriétaire de l’engin et son assureur des condamnations prononcées à leur encontre, l\’arrêt retient qu’il n’établit pas que l’étiquette rappelant la nécessité de porter un vêtement de protection a été apposée sous le guidon de la motomarine. Il en déduit que le véhicule n’a pas offert, par sa présentation, la sécurité à laquelle la passagère pouvait légitimement s’attendre

3-L’arrêt est cassé au motif que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve alors qu’il appartient au demandeur en réparation du dommage causé par un produit qu’il estime défectueux de prouver le défaut invoqué.

4-S’inspirant de la jurisprudence de la Cour de cassation ayant mis dans les années 1990 une obligation de sécurité de résultat à la charge du fabricant, directive n° 85/374 du 25 juillet 1985[1], une responsabilité de plein droit du producteur envers les victimes de dommages dus à un défaut de sécurité des produits qu\’ils ont mis en circulation.

5-Si les victimes ont pu bénéficier, pendant un temps, d’une option entre le droit national et le droit communautaire, la CJCE y a mis fin en décidant que le droit commun n\’est pas applicable aux produits mis en circulation après le 21 mai 1998 (date d\’entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998).

6-La loi met à la charge de la victime la preuve du fait du produit, du dommage et du lien de causalité (C. civ., art.1386-3) à l\’exclusion des immeubles. Elle s’applique à ceux défectueux c\’est-à-dire ceux qui « n’offrent pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s\’attendre » (art. 1386-4) . Cette formule pourrait prêter à confusion si on considérait que tout produit défectueux est celui qui crée un danger pour les personnes ou pour les biens ce qui permettrait à la victime d’établir que la preuve de son défaut est administrée par la seule survenance du dommage. La Cour de cassation à dissipé ce malentendu et affirmé que dangereux ne signifiait pas défectueux dans une espèce où elle a censuré une cour d’appel pour n’avoir pas recherché « si, au regard des circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage que le public pouvait raisonnablement en attendre, du moment de sa mise en circulation et de la gravité des effets nocifs constatés, le produit était défectueux [2]».

8-C’est donc le critère de l’anormalité du danger qui doit être établi par la victime. En pratique, il faudra démontrer l’existence d’un défaut interne, de fabrication ou de conception, ou encore un défaut d’information. En effet, l’article 1386-4, alinéa 2, inclut dans la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, la « présentation du produit ». Le défaut de sécurité peut donc résulter de l’insuffisance d’information et de mise en garde contre les dangers potentiels du produit, sans qu’il soit nécessaire qu’il soit affecté d’un défaut intrinsèque[3].

9-En l’occurrence, c’était bien un défaut d’information sur l’utilisation du produit dont il était question puisque la Cour de cassation relève que l’utilisation de l’engin nécessitait le port d’un vêtement de protection et que la société n’établissait pas que l\’étiquette rappelant la nécessité de porter ledit vêtement avait été apposée sous le guidon de la motomarine.

10-A juste titre, le pourvoi soutenait que le demandeur doit prouver le défaut du produit en application de l’article Art 1386-9 du code civil et non l’inverse. La Cour de cassation reprend ce moyen à son compte et casse l’arrêt pour avoir fait peser la charge de la preuve sur le fabricant et non la victime.

11-En admettant que la victime parvienne à rapporter la preuve de cette omission il lui faudra également établir l’existence d’un lien de causalité entre ce manquement et l’accident dont il n’est nullement fait état dans les motifs de l’arrêt d’appel.

12-On observera également qu’il n’est fait allusion à aucune cause d’exonération par l’exploitant. Il est vrai que ses chances d’aboutir étaient faibles. En effet, la possibilité d’établir que le défaut d’information qui lui est reproché était apparu après la mise en circulation du produit et que la notice apposée sous le guidon de la motomarine avait disparu dans le circuit de distribution, est toute théorique. Autant dire que l’exploitant sera le plus souvent dans l’impossibilité de faire la preuve négative de l’absence de défaut du produit au moment de la mise en circulation et de la preuve positive de la faute de la société l’ayant importé. Quand à la faute du tiers, en l’occurrence le conducteur de la moto, elle n’aurait eu quelque chance d’être retenue qu’à condition d’établir que l’accélération qui a fait tomber la victime était anormale et l’exposait à un risque de chute certaine.

 

 

Jean-Pierre VIAL, Inspecteur Jeunesse et Sports

 

 

 

En savoir plus :

 

Jean-Pierre VIAL, « Le risque pénal dans le sport« , coll. « Lamy Axe Droit », novembre 2012
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Jean-Pierre Vial





Notes:

[1] Transposée en droit français  par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998.

[2] Cass. 1ère civ., 5 avr. 2005, n° 02-11.947, 02-12.065 : D. 2005, p. 2256, note Gorny.

[3] Cass. 1ère civ., 7 nov. 2006, n° 05-11.604  ; Bull. civ. 2006, I, n° 467 ; RDC 2007, p. 312, note J.-S. Borghetti ; RTD civ. 2007, p. 139, obs. P. Jourdain, en l’espèce, du béton.

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