En 1996 déjà, Edith Archambault, (1) en charge de la partie française du programme Johns Hopkins de comparaison internationale du secteur sans but lucratif, soulignait le grand défi que les Institutions Sans But Lucratif (ISBL) auraient à relever dans les années à venir : « le défi de la méconnaissance ».

Initié en 1990, ce programme a contribué à donner une vision plus précise du poids économique des associations et des fondations. Depuis lors, toutes les études récentes (voir notamment : V. Tchernonog, Enquête sur le monde associatif en 2005 ) confirment l’ampleur du « phénomène associatif ».

En France, le secteur des ISBL représente aujourd’hui 2,9 % du PIB national pour 45 milliards d’euros de valeur ajoutée ( (2)). Plus que des secteurs tels que l’automobile ou même l’agriculture !

Et ce phénomène dépasse de loin nos propres frontières puisque, au sein de l’Union européenne (UE), le secteur associatif – qui compte entre 2 et 3 millions d’associations déclarées – a acquis une importance économique croissante (3).

Pour autant, de tels résultats demeurent à ce jour relativement confidentiels, ces enquêtes étant à notre sens insuffisamment relayées par les médias.

Or, alors même qu’un français sur deux participe au travail bénévole (4), une grande partie de nos concitoyens demeure toujours dans l’ignorance que leur implication collective est en passe de donner naissance à une troisième voie économique : celle fondée sur « le principe de propriété impartageable des bénéfices » et la primauté du projet collectif des ISBL (sur les intérêts individuels de leurs membres).

Aussi, il appartenait aux observateurs que nous sommes d’accompagner un tel phénomène par la diffusion de connaissances scientifiques liées au secteur des ISBL et ce, en vue de permettre une large prise de « conscience politique ». Mais nous nous devons aussi, dans une démarche cette fois plus pragmatique – cela ne nous paraît pas antinomique – de recenser les difficultés rencontrées par les ISBL sur « le terrain » à travers les différents praticiens qui composent le réseau ISBL consultants.

Les difficultés sont bien entendu très nombreuses mais les plus urgentes d’entre elles nous paraissent devoir recevoir un traitement rapide, au niveau national comme au niveau international :

  • Au niveau national, beaucoup déplore le « flou juridique grandissant » autour du secteur associatif (Les Echos, 13 août 2005). Pour l’heure, l’instabilité juridique chronique entourant les ISBL et les méandres administratifs ne semblent pas avoir découragés la volonté des bénévoles puisque, depuis plus de 10 ans, le rythme de création des associations demeure toujours aussi élevé (entre 60 et 70.000 créations nouvelles par an). Mais pour combien de temps ? En effet, nombreux sont les dirigeants associatifs qui, forcés d’avancer dans un « maquis législatif et réglementaire » de plus en plus épais, montrent les premiers signes d’un épuisement bien compréhensible. En mal de renouvellement, les signaux adressés par une classe de dirigeants « vieillissants » et le plus souvent démunis en terme de conseils, apparaissent d’autant plus compréhensibles que le système de validation de leurs acquis « associatifs » (Validation des Acquis de l’Expérience) est décrit par le Ministre actuel de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative lui même comme étant « pratiquement inapplicable » ( (5)). Aussi, si l’on veut que le secteur associatif conserve toute sa vitalité dans les années à venir, un travail de clarification et/ou de simplification du législateur devient urgent : la promulgation d’un Code des associations devrait par conséquent être l’un des grands chantiers de demain.
  •  Au niveau international, le projet de statut d’association européenne est en « stand-by » depuis la dernière proposition de Nicole Fontaine au début des années 1990 (Proposition de statut de l’association européenne). Pour notre part, nous pensons que ce statut est essentiel dans la mesure où les sociétés commerciales ainsi que les groupements d’intérêts économiques se sont récemment dotés d’un cadre juridique à dimension européenne qui facilite leurs interventions sur un plan transnational. Aussi, si l’on veut éviter que les ISBL ne perdent trop de terrain sur leurs concurrents, il devient urgent de relancer le processus. Car sans statut adapté, point de salut… Certes, à ce jour, ce projet paraît mal engagé dans la mesure où les autorités européennes l’ont récemment qualifié de « paperasserie » (en anglais « red tape ») et la Commission européenne l’a inclu en 2005 dans une liste noire de 68 propositions à retirer car qualifiées de « largement obsolètes » par M. Manuel Barroso. Mais l’idée est-elle pour autant définitivement abandonnée ? Personne ne peut l’affirmer même si, depuis le refus des français et des néerlandais de doter l’Europe d’une Constitution commune, c’est toute la construction européenne qui aujourd’hui reste dans l’attente d’un second souffle : l’idée pourrait néanmoins être réinitialisée par la France, dès juillet 2008, lorsque cette dernière se verra de nouveau confier la présidence de l’Union européenne… ou avant.

Autant de questions que nous aurons à coeur de suivre au cours de ces prochains mois, en tenant compte de l’actualité des ISBL.

Aussi, vous l’aurez compris, sensibiliser, informer, mais également former et accompagner les ISBL et leurs partenaires publics et privés, tels seront les principaux créneaux de notre intervention au sein de ISBL consultants, cette démarche ayant vocation à s’inscrire dans le mouvement de professionnalisation que connaissent actuellement les ISBL.

Et maintenant, nous vous laissons prendre connaissance des dernières actualités.

Bonne lecture à tous.

Colas AMBLARD

Rédacteur en chef

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Notes:

[1] Edith Archambault est Professeur et directeur de l’UFR d’économie à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), Directeur du Laboratoire d’économie sociale (URA CNRS 941) et Président de l’Association pour le Développement de la Documentation sur l’Economie Sociale - ADDES. Elle est l’auteur d’un ouvrage intitulé « Le secteur sans but lucratif », Economica, 1996

[2] P. Kaminski - INSEE, Les associations en France et leur contribution au PIB, XXème colloque ADDES, Février 2006

[3] Environ 4% du PIB de l’UE

[4] Le bénévolat dans le secteur associatif Sénat, Rapport d’information déposé le 12 octobre 2005

[5] Déclaration faite lors des 6ème Rencontre des Idées, Lyon, 20 mai 2006

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