L’arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 23 juin 2015 met en garde les distributeurs de quad contre les publicités vantant ces engins ! Toute représentation de l’un d’eux dans un espace naturel est proscrite par le code de l’environnement et expose son auteur à des poursuites pénales et aux demandes d’indemnisation des associations de protection de l’environnement. Gare aux contrevenants !
1-Une société commercialisant des quads avait diffusé sur son site internet une publicité relative au modèle d’un véhicule de type quad, accompagnée d’une photographie montrant l’engin évoluant dans un espace naturel et plus particulièrement dans un paysage de montagne. Elle fut assignée en dommages et intérêts par une association de défense de l’environnement pour avoir enfreint l’L. 362-4  qui proscrit  toute forme de publicité présentant un véhicule en dehors des voies ouvertes à la circulation. On observera au passage que l’emploi du  terme « présenté » par le législateur n’implique pas nécessairement que le véhicule a été photographié en zone interdite. Il suffit d’un montage photo le représentant dans un espace naturel pour que l’interdiction soit enfreinte.

2-La répression de ce type de publicité suppose, au préalable, la preuve que le véhicule incriminé circulait en infraction aux dispositions de  L 362-2. Ce texte autorise la circulation en dehors des voies publiques des véhicules utilisés pour remplir une mission de service public, de ceux utilisés à des fins professionnelles de recherche, d’exploitation ou d’entretien des espaces naturels ainsi que les véhicules des propriétaires circulant ou faisant circuler des véhicules à des fins privées sur des terrains leur appartenant. En l’occurrence, la société prétendait que l’intimé devait rapporter la preuve que la photographie n’avait pas été prise sur un terrain privé et que l’utilisateur du véhicule incriminé n’était pas propriétaire dudit terrain. Le moyen allégué était astucieux. En effet, il mettait à la charge de l’appelant la preuve non seulement de la violation de l’interdiction de principe mais aussi de l’absence des trois exceptions à la règle. S’il était facile d’établir que l’engin ne remplissait pas de mission de service public et qu’il n’était pas utilisé à des fins professionnelles de recherche, d’exploitation ou d’entretien des espaces naturels, en revanche il s’avérait beaucoup plus difficile de prouver que son propriétaire le conduisait sur un terrain privé lui appartenant. Par le passé, un contrevenant poursuivi pour avoir circulé sur des voies interdites à la circulation avait déjà soutenu ce raisonnement. Mais la Cour de cassation l’avait écarté en observant que « l’intéressé ne démontrait pas sa qualité d’ayant droit des propriétaires des fonds sur lesquels se trouvaient les véhicules représentés »[1]. Solution logique. S’il appartient à celui qui prétend que la règle a été enfreinte d’en établir la preuve, en revanche, c’est à celui qui oppose une exception à la règle d’en démontrer l’existence. Mais, dans cette dernière espèce, il n’était question que de violation de l’article L 362-4 du code de l’environnement dont il est question. A cet égard, la cour de Montpellier objecte à l’intimé que ce texte qui interdit  toute publicité d’un véhicule motorisé présenté en dehors des voies autorisées ne prévoit aucune exception à la différence de  L 362-2), en revanche  toute forme de publicité présentant ledit véhicule sur ce terrain est proscrite (L 362-4). Nier cette analyse reviendrait, comme le relève l’arrêt, à priver de toute efficience les dispositions législatives et réglementaires concernant cette interdiction publicitaire. Dans ces conditions, le moyen opposé par l’intimé de rapporter la preuve que la photographie, n’a pas été prise sur un terrain privé et que l’utilisateur du véhicule n’est pas propriétaire dudit terrain devient, de fait, inopérant.  La seule condition pour obtenir la condamnation du distributeur est d’établir que la publicité contestée présente un véhicule à moteur évoluant en dehors des voies ouvertes à la circulation publique.

3-Sans doute, est-il difficile à un prévenu de soutenir que les photographies qui illustrent ses prospectus n’ont pas été prises sur le parcours dont la publicité vante précisément les agréments[2]. En revanche, si celle-ci ne fait pas référence à un emplacement ou à un itinéraire déterminé, il n’est guère d’autre moyen que l’examen à l’œil du visuel publicitaire pour établir que l’engin était présenté en dehors des voies ouvertes à la circulation publique. Il s’agit là d’un mode de preuve oculaire laissé à l’appréciation du juge qui peut se concevoir au pénal où la preuve des éléments constitutifs de l’infraction peut se faire par tous moyens mais qui est plus discutable au civil.

4-L’association appelante invoquait également le moyen tiré d’une pratique commerciale trompeuse au sens de l’article L 121-1 du Code de la consommation que les juges n’ont pas estimé utile d’examiner dès lors qu’ils ont retenu celle de violation du Code de l’environnement. Parmi les circonstances retenues par le législateur comme constituant une pratique commerciale trompeuse, figurent les « allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur » et portant notamment « sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service ». La caractéristique essentielle d’un bien est celle qui détermine l’acte d’achat. Dire que l’acheteur potentiel d’un quad va décider de l’acquérir parce qu’il pourra, comme le montre la photographie, progresser en pleine nature, c’est aller un peu vite en besogne ! En effet la loi est censée être connue de tous. L’acheteur de ce type de matériel ne peut ignorer l’interdiction de circuler avec un véhicule à moteur en dehors des voies ouvertes à la circulation. Cette  publicité litigieuse ne peut pas raisonnablement l’induire en erreur au point d’emporter sa décision. Il est donc peu probable que l’association de défense de l’environnement aurait obtenu gain de cause sur ce fondement. En  revanche, s’il avait été question d’une prestation de service telle qu’une offre de transport vantant les agréments de la circulation dans les espaces naturels, le juge aurait pu alors considérer qu’il y avait une allégation mensongère sur les caractéristiques essentielles du service proposé qui rendait aléatoire l’exécution de la prestation en raison du risque d’interception de l’engin par les services de police [3].

Jean-Pierre VIAL, Inspecteur Jeunesse et Sports

En savoir plus : 
 

Jean-Pierre VIAL, « Le risque pénal dans le sport« , coll. « Lamy Axe Droit »,  novembre 2012

 

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Jean-Pierre Vial



Documents joints:

Cour d’Appel de Montpellier du 23 juin 2015



Notes:

[3] CA Grenoble, ch. corr., 27 sept. 2006, n° 06/00107.

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