Sont responsables pénalement le maire, ses adjoints et un conseiller qui ont participé aux délibérations et pris part aux votes attribuant des subventions aux associations municipales et intercommunales qu’ils présidaient.

1. – Présentation de la jurisprudence : Cass. crim., 22 oct. 2008, n° 08-82.068, F-P+F : JurisData n° 2008-045864

(…)

  • Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Janine J., Jean-Luc R., Christian M. et Yves B., respectivement maire, maires adjoints et conseiller municipal de la ville de Bagneux, ont participé aux délibérations et pris part aux votes attribuant des subventions aux associations municipales ou intercommunales qu’ils présidaient ;

 

  • Attendu que, pour les déclarer coupables de prise illégale d’intérêts, l’arrêt énonce, notamment, que les prévenus, élus municipaux, détenant un mandat électif et des fonctions de président d’associations, sont soumis à l’obligation de veiller à la parfaite neutralité des décisions d’attribution des subventions à ces associations ; que les juges ajoutent que l’infraction est constituée même s’il n’en résulte ni profit pour les auteurs ni préjudice pour la collectivité et retiennent que le dol général caractérisant l’élément moral du délit résulte de ce que l’acte a été accompli sciemment ;

 

  • Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dépourvues d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;

 

  • Qu’en effet, l’intérêt, matériel ou moral, direct ou indirect, pris

par des élus municipaux en participant au vote des subventions bénéficiant aux associations qu’ils président entre dans les prévisions de l’article 432-12 du Code pénal ; qu’il n’importe que ces élus n’en aient retiré un quelconque profit et que l’intérêt pris ou conservé ne soit pas en contradiction avec l’intérêt communal ;

  • D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

 

  • Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois ;

(…)

2. – Analyse :

En application du principe énoncé par l’article 121-1 du Code pénal « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». Une telle difficulté soulève évidemment des difficultés lorsque les faits poursuivis ont été commis par plusieurs personnes agissant au sein d’un groupe. S’il s’agit d’un groupe informel, tous ceux qui « ont pris une part active à l’action commune » seront considérés comme auteurs ou coauteurs des infractions, par exemple en cas de poursuites pour violences volontaires (Cass. crim., 22 mars 1953 : Bull. crim. 1953, n° 103. – Cass. crim., 13 juin 1972 : Bull. crim. 1972, n° 195), à condition d’avoir été identifiés (Cass. crim., 22 juin 1999 : Dr. pén. 1999, comm. 140. – Sur l’ensemble, V. Ph. Salvage : Les infractions commises au sein d’un groupe informel : Dr. pén. 2005, étude 8).

La question consiste ainsi à savoir si l’on peut étendre la solution lorsque les faits poursuivis résultent d’une décision prise par un groupe formel et organisé, tel un conseil municipal, et poursuivre pénalement ceux qui ont participé aux délibérations et aux votes ayant abouti à l’adoption de la décision constitutive d’une infraction ? La jurisprudence fluctue en fonction des considérations d’espèce. C’est ainsi qu’une décision rendue par la Cour de cassation avait prononcé la relaxe de conseillers municipaux estimant que la délibération ayant adopté la décision litigieuse avait été prise par un « organe collégial » et ne pouvait être imputée à ceux des conseillers ayant exprimé un vote favorable (Cass. crim., 11 mai 1999, n° 97-81.653, P-F : JurisData n° 1999-002093 ; Bull crim. 1999, n° 93). Cette solution a été reprise par une cour d’appel à l’occasion de poursuites pour délit de favoritisme (CA Aix-en-Provence, 16 mai 2007 : D. 2008, p. 53, note E. Gallardo).

L’arrêt du 22 octobre semble revenir sur cette dernière décision. En l’espèce, un maire, deux adjoints et un conseiller municipal étaient poursuivis pour prise illégale d’intérêts au sens de l’article 432-12 du Code pénal. Il leur était reproché d’avoir participé aux délibérations et aux votes ayant attribué des subventions aux associations municipales et intercommunales qu’ils présidaient. La cour d’appel les avait condamnés en constatant par ailleurs que tous les éléments constitutifs des infractions poursuivies étaient réunis. Pour justifier sa position, la Cour de cassation a relevé qu’il résulte de l’arrêt attaqué que les prévenus « ont participé aux délibérations et pris part aux votes ayant attribué des subventions ». Il n’est donc fait aucunement mention d’un acte particulier et précis commis personnellement par chaque prévenu et distinct de sa participation aux votes. Il conviendra d’attendre pour voir s’il s’agit d’un simple cas d’espèce ou d’un véritable infléchissement de la jurisprudence actuelle.

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