Retrouvez l’interview de Maître Colas AMBLARD (1) dans le cadre de la revue SPORT STRATEGIES, n°240 sur le thème des hypothèses de mise en jeu de la responsabilité civile au sein des associations sportives. Des informations qui ne manqueront pas d’intéresser l’ensemble des associations et fédérations sportives ainsi que les nombreux dirigeants sportifs professionnels et amateurs.

Question : Quelles sont les principales hypothèses de mise en jeu de la responsabilité civile des dirigeants d’une association sportive ?

Réponse : Elles ne doivent pas être confondues avec celles qui pèsent sur l’association sportive elle-même. Il y a là, très souvent, une source de confusion qui s’opère dans la tête de bon nombre de dirigeants bénévoles entre la responsabilité de l’association sportive, d’une part, et celle pesant sur les dirigeants à titre personnel, d’autre part.

En effet, seule la faute détachable des fonctions du dirigeant est susceptible d’entraîner la responsabilité personnelle du dirigeant d’une association, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans une décision du 19 février 1997 (Cass. 2ème civ. 19 fév. 1997 : Bull. civ. 1997, II, n°153). Doit être regardée comme détachable de ses fonctions et partant, propre à fonder une action en responsabilité contre le dirigeant à titre personnel, la faute intentionnelle d’une particulière gravité et incompatible avec l’exercice normal des fonctions statutaires, ainsi que la faute commise par le dirigeant d’association qui n’a pas respecté les limites de se mission telle que prévue dans les statuts.

Le fait d’exposer volontairement un pratiquant sportif à un risque, soit en ignorant une consigne de sécurité ou en l’exposant à un danger en toute connaissance de cause en laissant par exemple ce dernier utiliser un équipement ou des installations sportives que l’on sait hors d’usage peut entraîner la mise en jeu de la responsabilité du dirigeant sportif.

En dehors de ces cas spécifiques, c’est en principe l’association sportive qui doit répondre des dommages causés du fait de ses activités, de ses membres sportifs (ou non), de ses salariés, des choses (matériels, équipements sportifs, véhicules…) ou des animaux dont elle a la garde.

Le dirigeant sportif doit, par conséquent, être conforté dans son action, même s’il est important de préciser que le bénévolat n’est en aucune façon une cause exonératoire de responsabilité. Cela ressort clairement de l’article 1992 alinéa 2 du code civil. Seule la faute peut être appréciée d’une manière moins rigoureuse pour un bénévole.

Question : Comment peuvent-ils s’exonérer de cette responsabilité ?

Réponse : En évitant de prendre des décisions sans concertation avec les autres membres du conseil d’administration ou comité directeur de l’association sportive ou qui outrepassent leurs pouvoirs statutaires. Il est impératif de « diluer » la responsabilité par une prise de décision collective afin d’éviter d’apparaître en première ligne. De la même façon, les dirigeants sportifs doivent connaître très exactement l’étendue de leurs pouvoirs respectifs. Pour cela, la rédaction de statuts claires, précis et sans ambiguïtés est une absolue nécessité. Il y a encore trop d’associations sportives dont les statuts ne précisent pas suffisamment la nature et l’étendue des pouvoirs respectifs de tel ou tel dirigeant. Cela les expose inutilement à des risques sur le plan de leur responsabilité civile personnelle. Un gros travail de rédaction statutaire reste à faire dans bon nombre d’associations sportives, voire même de comités sportifs.

Question : Existe-il une responsabilité spécifique du fait des blessures causées aux pratiquants sportifs durant les matchs ou à l’entraînement ?

Réponse : Un club sportif doit assurer la sécurité de ses adhérents, c’est-à-dire éviter qu’ils subissent des dommages corporels en pratiquant leur sport en mach ou à l’entraînement. La jurisprudence est très claire sur ce point. Lorsque le sportif est obligé de s’en remettre entièrement à la vigilance de l’association, cette dernière est contrainte par une obligation de sécurité absolue, c’est-à-dire de résultat. Cela a été jugé à propos d’un club de plongée s’agissant de la fourniture du matériel ou encore d’un exploitant de télésièges pendant la montée, d’un toboggan aquatique pendant la descente, d’un club de parapente… En revanche, lorsque le sportif est en capacité de jouer un rôle actif dans sa pratique sportive, l’association n’est alors tenue que d’une obligation de prudence et de diligence. Dans cette hypothèse, l’association sera tenue responsable uniquement si la victime prouve que le club n’a pas mis en œuvre les moyens propres à éviter tout risque. Cela a, en revanche été jugé dans les disciplines sportives telles que l’athlétisme, la gymnastique, l’équitation, le hockey sur glace ou le triathlon. La faute peut résulter d’un défaut de surveillance, de conseil, d’un mauvais conseil ou mauvaise appréciation des risques encourus. Un club hippique a été jugé responsable pour avoir fourni à un débutant un cheval particulièrement difficile à diriger ou encore une association sportive pour ne pas avoir prévu un nombre suffisant de moniteurs pour encadrer des sportifs débutants… Au contraire, en l’absence de faute de l’organisateur, le sportif victime d’un accident ne pourra rechercher la responsabilité du club et a fortiori de ses dirigeants. Tel est le cas d’un cycliste suffisamment informé sur le parcours à effectuer (et qui ne présentait pas de risques particuliers par rapport à ses capacités) qui ne saurait invoquer l’absence de diplôme de l’accompagnateur dans la mesure où, même diplômé, ce dernier n’aurait pu lui éviter de chuter.

Question : Quant est-il concernant l’état des infrastructures sportives ?

Réponse : L’association supporte une obligation de surveillance de l’état général de ses infrastructures et de son matériel sportif. Dans le cadre de sa mission générale d’organisation, la responsabilité du club peut être recherchée pour ne pas avoir fourni un terrain de sport en bon état, ne pas avoir prévu dans le gymnase un tapis de réception suffisamment épais…

Question : quels conseils donner aux associations concernant la gestion de ces risques sportifs précisément ?

Réponse : Les associations sportives doivent se rapprocher de leurs fédérations pour connaître très exactement la nature spécifique des risques inhérents à leur pratique sportive. En toute connaissance de cause, elles doivent par la suite tenter de s’exonérer de leur responsabilité en imposant un règlement intérieur obligeant les pratiquants sportifs à respecter certaines mesures de sécurité élémentaires spécifiques à leur sport. Elles peuvent également compléter leurs statuts, au besoin en prévoyant des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité. Mais, l’obligation de prudence et de diligence sera toujours de mise. C’est pourquoi, il n’est pas vain de rappeler que dans le domaine sportif, l’obligation pour les clubs sportifs de souscrire une assurance et d’informer les pratiquants de l’intérêt qu’ils ont à être assurés dans le cadre de l’exercice de leur sport est une obligation légale qui doit bien évidemment être scrupuleusement respectée.

(1) Maître Colas AMBLARD est spécialisé en droit des associations sportives et est co auteur d’un ouvrage sur le thème « Des aspects juridiques liés à l’organisation d’un événement sportif » publié aux Presses Universitaires du sport (2ème édition, 2008).

Source : Revue SPORT STRATEGIES, nov. 2010

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