Les accidents sportifs survenus lors d’activités encadrées comme les randonnées et reprises équestres ne mettent pas seulement en jeu l’obligation de sécurité de l’organisateur mais aussi son devoir d’information. Les tribunaux lui imposent d’alerter les participants sur les dangers éventuels de l’activité. Le législateur, de son côté, contraint les clubs sportifs à informer leurs adhérents sur l’intérêt à souscrire une assurance de personnes. La jurisprudence en a fait une obligation de moyens renforcée puisque l’exploitant doit rapporter la preuve qu’il a bien avisé ses membres de l’existence de cette assurance par la remise d’une notice d’information. Ce devoir d’information a suscité une abondante jurisprudence dont on retrouve les principes directeurs dans les décisions rendues par les Cours d’appel de Paris et de Bourges et le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse.

1 – L’exploitant peut avoir normalement exécuté son obligation de sécurité mais négligé son obligation d’information, notamment celle sur l’assurance individuelle accident. Ce devoir d’information, prescrit par l’article L 312-4 du code du sport, ne s’exécute pas seulement en faisant mention de l’existence d’une couverture assurantielle et de son étendue. Il appartient également à l’exploitant d’alerter les participants sur toute modification substantielle du contrat. C’est le principal enseignement de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27 septembre 2010, sur le contenu du devoir d’information.

2 – Cette décision mérite également l’attention par le rappel des règles qui font supporter la charge de la preuve à l’organisateur en qualité de professionnel. Elle s’aligne sur la position de la Cour de cassation pour qui ce n’est pas au sportif de prouver l’inexécution par le club de son devoir d’information, mais à celui-ci de rapporter la preuve qu’il a fait le nécessaire pour que la loi soit appliquée [1]. Ce renversement de la charge de la preuve est tout bénéfice pour la victime.

3 – Il s’applique aussi aux modalités d’administration de la preuve qui font l’objet d’une grande rigueur de la part des tribunaux. Ainsi, la Cour de cassation a estimé que la mention portée sur la licence selon laquelle « le titulaire déclare avoir pris connaissance … des conditions du contrat » ne satisfaisait pas aux exigences de la loi [2]. Elle a ensuite considéré que seule la remise par le souscripteur à l’assuré d’une notice résumant de manière très précise ses droits et obligations est de nature à faire la preuve de l’exécution par le souscripteur de son obligation d’information [3]. Toute autre forme d’information n’a guère de chance d’être reconnue. Ainsi, le fait de préciser les modalités de la licence d’assurance souscrite par ses clubs, dans l’annuaire d’une ligue sportive, n’établit pas que chaque joueur soit mis en possession de cet annuaire [4]. De même, il ne suffit pas qu’un club se borne à affirmer qu’un livret d’assurance est systématiquement délivré avec la licence à chaque inscription d’un adhérent, pour établir la preuve que l’information a été diffusée [5].

4 – La cour d’appel de Paris confirme cette jurisprudence dans sa décision du 27 septembre 2010 en rappelant que l’obligation d’information de l’exploitant n’est pas acquise par de simples mesures d’affichage ou par la remise d’un document d’information sur l’inscription au centre et ses tarifs. D’après elle, ces documents ne prouvent pas, à eux seuls, que la victime a pris connaissance de l’assurance préalablement à l’accident. Il en va différemment, en revanche, si l’affichage dans le hall d’entrée du club rappelant que tout cavalier peut souscrire des assurances complémentaires a été accompagné de la remise d’une notice d’information de l’assureur de la fédération informant les participants des garanties comprises dans l’assurance. Cette double modalité d’information prouve suffisamment, comme le relève le tribunal de Bourg en Bresse dans son jugement du 1er avril 2010, que les membres du club en ont bien été avisés. On pourrait aussi imaginer que l’exploitant formalise la remise de la notice en faisant signer une décharge à chaque adhérent.

5 – Cette obligation d’information ne s’applique pas à tous les groupements. C’était le moyen soulevé par l’organisateur dans l’espèce jugée par la Cour de Paris qu’elle n’a d’ailleurs pas relevé. Le code du sport désigne, en effet, les clubs sportifs comme seuls groupements assujettis. La Cour de cassation interprète ce texte restrictivement puisqu’elle a jugé qu’un comité d’entreprise [6] et une société de courses de chevaux ne constituaient pas des groupements sportifs [7]. Il n’est pas certain qu’un organisateur, comme l’UCPA, dont l’objet principal est l’organisation de séjours de vacances sportives, soit considéré organiquement comme un groupement sportif. Toutefois, s’il n’est pas tenu par l’obligation légale d’information, le juge peut toujours décider qu’un organisateur autre qu’un groupement sportif est obligé par le devoir d’information de droit commun qui pèse sur les personnes exerçant des activités à risques.

6 – Enfin, il reste la question du montant de l’indemnité alloué en compensation du défaut d’information. S’il a d’abord été jugé qu’elle devait réparer l’intégralité du dommage [8], cette jurisprudence a été abandonnée. Aujourd’hui, ce montant est en principe égal à celui que la victime aurait normalement souscrit si l’information lui avait été correctement donnée. La Cour de cassation considère que le préjudice subi ne consiste que dans la perte d’une chance d’obtenir une indemnisation [9]. En effet, il faut tenir compte que la victime n’est pas en mesure de prouver que, même si le groupement sportif avait rempli son obligation, elle aurait souscrit la police. Dans ces conditions, la réparation du défaut d’information ne peut être que partielle et donc forfaitaire. Reste à déterminer quel doit être son montant. Il ne peut s’agir de la différence entre la réparation de l’intégralité du préjudice corporel et ce que l’assureur garantit contractuellement, comme l’avait estimé à tort une cour de renvoi [10]. Celle de Bourges précise, dans son arrêt du 29 avril 2010, qu’elle ne saurait être égale à l’avantage qu’elle aurait procuré si elle s’était réalisée, c’est-à-dire si la victime avait effectivement souscrit une police d’assurance de personnes. Le pratiquant ne peut donc prétendre qu’à un montant de garantie calculé en considération du degré de probabilité de sa souscription, ce qui laisse une importante marge de manœuvre aux tribunaux. A cet égard, la Cour de Bourges considère que le montant de l’indemnité doit être calculé en tenant compte de deux circonstances propres à l’espèce. D’une part, un plafond de garantie relativement faible compte tenu de la gravité et de la fréquence des accidents dans les sports équestres. D’autre part, une faible probabilité que la victime aurait contractée une telle garantie dans la mesure où elle avait choisi de découvrir ce sport en toute sécurité par le biais d’une initiation à la longe et en cinq séances uniquement.

7 – La question ne se posait pas dans ces termes dans l’arrêt rendu par la Cour de Paris puisqu’il s’agissait d’une modification des conditions de la police. En l’occurrence, les juges ont considéré que la victime restait assurée aux conditions de celles dont elle bénéficiait antérieurement à l’accident.

 

En savoir plus :

Jean-Pierre VIAL, Le contentieux des accidents sportifs – Responsabilité de l’organisateur, Collec. PUS, septembre 2010 : pour commander l’ouvrage

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Jean-Pierre Vial



Documents joints:

Cour d’appel de Paris du 27 septembre 2010
Tribunal de grande instance de Bourg en Bresse, 1er avril 2010
Cour d’appel de Bourges, 29 avril 2010



Notes:

[1] Civ. 1, 22 févr. 1997, JCP 1997. I. 4025, no 7, obs. G. Viney.

[2] Civ.1, 13 févr. 1996, Bull. civ. I, 1996, n° 84 p. 56.

[3] Civ. 1, 9 déc. 1997, Bull. civ. I, 1997, n° 356 p. 240.

[4] CA Douai, 3e ch., 29 août 2002, Juris-Data n° 2002-199.878.

[5] CA Toulouse, 3e ch., sect. 1, 9 mai 2000, Juris-Data n° 2000-117.590.

[6] Civ. 1 19 mars 1997 Bull. civ. I, no 89, D. 1999, somm. 87 obs. J. Mouly.

[7] Civ. 1, 25 févr. 2003, Bull. civ. I, no 58, JCP 2003. II. 10149, note Chabert.

[8] Civ. 1, 16 juill. 1986, Bull. 1986 I n° 209 p. 200.

[9] Civ. 1, 14 janv. 2003 pourvoi n° 00-16605. En l’occurrence est cassé l’arrêt ayant condamné un club de rugby à XIII à indemniser à 100 % la perte de chance subie par la victime.

[10] Civ. 2, 21 févr. 2002, Bull. civ. II, n° 16 p. 15.

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