Lors de son audition par la CPCA, le 10 mars dernier, François Hollande n’avait pas manqué d’indiquer qu’il était légitime que le débat portant sur le mécénat d’entreprise s’ouvre. Apparemment, le nouveau gouvernement a jugé qu’il n’était pas forcément opportun d’aborder ce dossier dès l’adoption du nouveau projet de loi de finances rectificative pour 2012. Néanmoins, le débat pourrait rebondir d’ici la fin d’année. Ce laps de temps doit être l’occasion pour le secteur associatif d’argumenter en faveur du maintien du dispositif actuel, voire même de son amélioration, afin d’éviter que le niveau de financement des activités d’intérêt général n’en soit profondément affecté.

La réforme en vue : les entreprises dans le viseur

Le dispositif actuel consacré par la loi « Aillagon » du 1er août 2003 offre aux entreprises la possibilité de bénéficier d’une réduction d’impôt sur les sociétés à hauteur de 60% des sommes versées sous la forme de mécénat. Cette réduction est toutefois plafonnée dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires annuel hors taxe de l’entreprise. Le projet actuel prévoit de réduire de moitié, c’est à dire à 30%, la réduction proposée dans le cadre du dispositif de mécénat d’entreprise.

A priori, aucune réforme ne devrait concerner le mécénat des particuliers.

Est-il opportun de baisser le financement des activités d’intérêt général dans le contexte actuel ?

Réduire de façon drastique ce mode de financement constituerait dans le contexte actuel un signal politique fort envoyé par le gouvernement. Incontestablement, cela en dirait long sur son obligation de trouver de nouvelles recettes budgétaires.

Pour autant, les besoins sociaux demeurent. Confrontées à une baisse régulière des financements publics, les associations n’ont jamais été autant sollicitées pour répondre à cette demande.Dans son rapport 2012, ADMICAL a montré que le volume global du mécénat d’entreprise a connu une baisse significative en 2010, sous les effets conjugués de la crise économique et financière. L’Etat sera-t-il en mesure de prendre le relais de l’initiative privée ? Loin de constituer une niche fiscale, le mécanisme de mécénat agit comme un puissant levier puisque les dons consentis permettent de lever 40% de financement privé en complément des 60% de réduction d’impôt consentis par l’Etat.

Réduire de 50 %, l’avantage fiscal lié au mécénat risque de supprimer tout intérêt financier à recourir au mécénat au profit du sponsoring (prestations de publicité). Par ailleurs, en assimilant purement et simplement le mécanisme de financement d’œuvres d’intérêt général au dispositif de défiscalisation Loi Scellier, véritable niche fiscale dans le domaine de l’immobilier, le nouveau gouvernement socialiste commettrait une véritable « faute de goût » difficilement compréhensible pour tous les partisans de l’Economie sociale et solidaire. Pas sûr qu’une telle mesure serait bénéfique sur le plan économique comme sur le plan politique.

Quelles autres solutions ?

D’abord, il conviendrait de distinguer le mécénat d’entreprise « classique », de celui apporté aux associations de bienfaisance dans le cadre de l’amendement « Coluche » (restos du coeur, Secours populaire, Fondation Abbé Pierre…). Alors même que le seuil de réduction d’impôt accordé aux particuliers est porté à 75% pour les particuliers (au lieu de 66% pour le mécénat « classique »), aucun avantage spécifique n’est consenti pour les entreprises au bénéfice de ces structures.

A l’inverse, le mécénat d’entreprise dans le domaine culturel offre des avantages fiscaux extrêmement important, expliquant d’ailleurs que certains estiment que ce mode de financement constitue une déviance honteuse qu’il convient de limiter. A titre d’exemple, le dispositif d’acquisition des trésors nationaux instauré par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France permet une réduction d’impôt de l’ordre de 90% 1. L’achat d’oeuvres d’art offre également beaucoup d’avantages pour les entreprises 2

De la même façon, la contrepartie de retour sur image tolérée dans la limite de 25% 3 de la valeur du don consenti par l’entreprise contribue a brouiller la démarche entreprise par cette dernière. Cette tolérance administrative entretient le doute sur les véritables intentions du mécène, dont le nom devrait seulement pourvoir être discrètement associé aux manifestations organisées par l’organisme d’intérêt général.

Largement intégrée dans le cadre de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises (RSE), les efforts déployés par les entreprises pour contribuer au financement du bien commun doivent toutefois continuer à être reconnus et soutenus.

Dès juillet 2009, il était préconisé d’agir en faveur des PME 4 pour un rehaussement des plafonds de réduction d’impôt en leur faveur 5.

Un consensus semble se dégager peu à peu sur ce point.

Le rapport parlementaire Herbillon sur les nouvelles formes de mécénat culturel rendu en date du 15 février 2012 a proposé, en effet, de relever de 0,5 % à 1 % du chiffre d’affaires le plafond des versements ouvrant droit aux réductions d’impôt pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros.

Le livre blanc parlementaire paru en juin 2012 préconise, également, de « libérer les générosités associatives » en adoptant un nouveau plafond adapté aux PME.

Le mécénat d’entreprise est pluriel. Il conviendra d’agir finement en fonction des priorités du moment.

En savoir plus :

Discours de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports et de la vie associative, prononcé devant la CPCA le 04 juillet 2012 : voir en ligne

Rapport d’information parlementaire sur les nouvelles formes de mécénat culturel, 15 février 2012 : voir en ligne

Livre blanc parlementaire « Libérer les générosités associatives », juin 2012 : voir en ligne

C. Amblard, Favoriser le mécénat des petites entreprises, vers un rehaussement du plafond de réduction d’impôt ?, ISBL consultants, 31 juillet 2009 : voir en ligne

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Notes:

[1] CGI, art. 238 bis 0A ; Instruc. fisc. 4 C-6-02 du 24 octobre 2002

[2] Selon l’article 238 bis AB du Code Général des Impôts, les entreprises qui achètent, des œuvres originales d’artistes vivants et les inscrivent à un compte d’actif immobilisé peuvent déduire du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d’acquisition. La déduction opérée ne peut excéder par exercice la limite de 5 pour 1000 du chiffre d’affaires. L’entreprise a l’obligation d’exposer l’œuvre au public (dans un musée, dans l’entreprise ou lors de manifestations) à titre gratuit pendant la période de cinq ans.Ce dispositif est également applicable à l’achat d’instruments de musique à la condition de prêter gratuitement les instruments aux artistes interprètes qui en font la demande.

[3] D. adm. 5 B-3311 n°69 ; Instr. fisc. 5 B-14-07 n°9 à 12

[4] Selon le rapport ADMICAL 2012, 93% des entreprises mécènes sont des PME

[5] C. Amblard, Favoriser le mécénat des petites entreprises, vers un rehaussement du plafond de réduction d’impôt ?, ISBL consultants, 31 juillet 2009

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