Le loueur de poneys montés par des enfants accompagnés d’adultes n’est tenu que par une obligation de sécurité allégée. Il s’engage seulement à fournir une monture adaptée aux enfants et à donner, avant le départ, des consignes de sécurité aux personnes encadrant la sortie. S’agissant d’une obligation de moyens, la cour d’Aix-en-Provence rappelle dans un arrêt du 20 novembre 2014 que la victime doit établir la preuve de son inexécution  qui s’avère impossible si les circonstances du dommage sont indéterminées.

1-Les accidents équestres tiennent une place de choix dans le contentieux des accidents sportifs (voir nos commentaires du 2 septembre 200926 avril 2011 ,du 29 octobre 2012 , 28 novembre 201326 février 2014 et 26 février 2015).  Nombre d’entre eux proviennent de l’emballement des montures spécialement  lors de randonnées s’adressant à des débutants incapables de maitriser des animaux habituellement craintifs dont les réactions sont parfois imprévisibles. C’est vraisemblablement dans ces circonstances que la victime âgée de 4 ans et demi a chuté alors qu’elle montait un poney qui est parti au galop sur le chemin de retour.

2-Les parents de la victime ont vainement tenté d’engager la responsabilité du centre équestre. Déboutés par le tribunal de grande instance de Grasse, ils n’ont pas réussi à obtenir la réformation du jugement. Cette espèce révèle le handicap que constitue l’obligation de moyens de l’exploitant pour les victimes. Il les contraint à supporter la charge de la preuve d’une faute de sa part au risque de ne pouvoir y parvenir si les circonstances du dommage sont indéterminées, comme c’était le cas en l’occurrence.

3-Cet arrêt offre surtout l’occasion de rappeler l’étendue des obligations des centres équestres variable selon que leur prestation se limite au prêt d’un animal ou qu’elle inclut l’accompagnement des cavaliers. L’entrepreneur de promenade équestre prend un double engagement : celui de fournir une monture adaptée au niveau et à la taille du cavalier et d’encadrer la sortie. Le loueur d’équidé, en revanche n’est pas tenu de faire accompagner les cavaliers. Toutefois, s’il met un moniteur pour les encadrer, il modifie la destination du contrat et partant les obligations à sa charge. Il est alors traité comme un entrepreneur de promenades équestres.

4-Dans la présente espèce, il s’agissait bien d’un louage d’animal stricto sensu. L’exploitant n’avait contracté aucune obligation d’accompagnement, ce que ne contestaient pas d’ailleurs les parents de la victime. En revanche, ils lui reprochaient divers manquements. D’abord, de leur avoir imposé un itinéraire qu’ils jugeaient dangereux. Ensuite, de ne pas leur avoir donné de consignes de sécurité alors qu’ils ignoraient tout des risques liés au comportement imprévisible de ces animaux. Enfin, d’avoir autorisé la location d’un animal pour la victime alors qu’elle ne devait se faire que pour des enfants de plus de 6 ans.

5-L’existence d’un contrat entre les parents et le loueur servant de fondement à une action en responsabilité contractuelle n’était pas discutée. L’accident était bien survenu à l’occasion de l’exécution du contrat. Une action formée sur le fondement de la responsabilité délictuelle et notamment sur la responsabilité du gardien de l’animal en application de l’article 1385 du code civil n’aurait pas prospérée. La règle du  non-cumul des responsabilités et la primauté de la responsabilité contractuelle sur la responsabilité délictuelle y auraient fait obstacle. Au demeurant,  le loueur n’aurait pas manqué d’opposer  à la partie adverse le transfert de garde de l’animal. Aussi l’avantage escompté par la victime d’une responsabilité sans faute, puisque le gardien de l’animal est réputé de plein droit responsable des dommages qu’il cause, aurait été réduit à néant.

6-Comme tout fournisseur d’une prestation de service sportif, le loueur de poneys est tenu par une obligation de sécurité de moyens. Toutefois son degré d’intensité dépend du niveau des pratiquants. Il est réduit au minimum pour les cavaliers expérimentés. En revanche s’il s’agit d’une clientèle de débutants, l’obligation de sécurité est alourdie. La présente espèce où les poneys ont été remis à de jeunes enfants en fournit une illustration. En l’occurrence, les juges mentionnent deux types d’obligations à la charge du loueur. La première concerne la qualité des montures et la seconde les consignes qu’il s’engage à fournir aux accompagnateurs.

7-Le loueur doit être particulièrement attentif au choix de l’animal, dès lors qu’il s’adresse à un public non initié. En l’occurrence, les cavaliers étaient de très jeunes enfants et leurs accompagnateurs des adultes ignorant tout du comportement des animaux. Les montures devaient donc être « adaptées à la taille des enfants » et à un public incapable de maitriser l’animal s’il s’emballe. Aussi, les juges précisent-ils que le loueur devait veiller à ne fournir que des animaux « de caractère docile et habitués à être montés par des personnes différentes et non formées ». L’arrêt précise que  le poney monté par la victime était d’une taille en rapport avec la stature de l’enfant, mais n’indique pas si cette monture avait un comportement adapté à un débutant.

8-Le loueur est également tenu d’une obligation de conseil dont l’intensité dépend de la nature de l’activité pratiquée et du public concerné.  S’agissant de novices, la cour d’appel précise qu’il doit « fournir des indications sur les consignes de sécurité à observer, tant par le cavalier que par l’accompagnateur, et sur le trajet de promenade à emprunter, dès lors que celle-ci ne se fait pas au sein de l’établissement ». Cette obligation se double, par ailleurs, d’un devoir de contrôle de l’encadrement. Le loueur « doit s’assurer que les enfants sont accompagnés d’un nombre suffisant d’adultes ou d’accompagnateurs en mesure de contrôler l’animal et le comportement des enfants ».

9-C’est l’exécution de cette obligation de conseil qui était au centre des débats. Les parents de la victime soutenaient que l’indication donnée par le loueur d’emprunter une route départementale ouverte à la circulation, « n’était manifestement pas adaptée à ces animaux conduits (…) par des néophytes ». L’argument a du poids. Mais en supposant qu’il soit fondé, il est parfaitement inopérant puisqu’il n’a pas été établi que la chute ait été liée au passage d’un véhicule ou à l’état de la route. C’est l’occasion de rappeler que la victime a non seulement à sa charge la preuve de l’existence d’une faute mais également de son rapport de causalité avec le dommage.

10-Un autre moyen est à nouveau rejeté pour absence de preuve. La cour constate qu’aucune pièce n’atteste que l’activité était réservée aux enfants de plus de 6 ans comme le prétendaient les parents. En réalité, le document sur lequel ils s’appuyaient ne comportait pas cette mention pour les promenades, mais seulement pour l’enseignement de l’équitation. Par ailleurs, s’ils soutiennent que leur groupe ne comportait pas assez d’adultes par rapport au nombre d’animaux loués, ils n’établissent pas précisément la composition exacte du groupe ni le nombre d’enfants présents. Enfin, l’enquête révèle qu’ils reconnaissent eux-mêmes avoir été informés qu’il fallait impérativement tenir l’animal par la longe.

11-On mesure bien, à travers l’échec des moyens allégués, les conséquences du fardeau de la preuve pour la victime. On observera, toutefois, que les juges n’ont pas répondu à celui tiré du  défaut d’information des parents sur les risques liés au comportement imprévisible des poneys. Or ce type d’information est capital pour alerter les familles sur le danger à confier la longe à un enfant incapable de maitriser l’animal s’il s’emballe. N’y a-t-il pas d’ailleurs une photo dans le dossier représentant un garçon âgé de 13 ans qui tient la longe du poney monté par la jeune victime ? Pour autant, en supposant qu’il s’agisse d’une négligence, rien ne permet d’affirmer qu’elle aurait permis d’éviter l’accident. Voici le lien de causalité de retour !

12-En définitive, il faut admettre que la réaction de l’animal, parti au galop avec ses congénères, a été imprévisible et revêt ainsi les caractères de la force majeure. L’exploitant n’a cependant pas soulevé ce moyen d’exonération et lui a préféré celui tiré de l’acceptation des risques par la victime. L’argument n’est pas convainquant. L’acceptation des risques ne peut être invoquée  contre des néophytes. En effet, celui qui n’a jamais pratiqué un sport n’en mesure pas les risques. Dans leur ignorance des chevaux, les touristes qui recherchent seulement le divertissement d’un parcours à dos de cheval sont bien incapables de prendre la mesure du danger et spécialement des réactions imprévisibles de l’animal. L’acceptation des risques, hormis le cas où ils seraient excessifs ou déraisonnables, ne peut constituer un moyen d’exonération pour l’organisateur[1]. Mais, il n’y a rien de déraisonnable à louer un poney pour une promenade dont les accompagnateurs tiennent la longe à la main sur un itinéraire conseillé par le loueur.

13-Cette espèce, comme beaucoup d’autres, doit servir de mise en garde aux pratiquants qui ne prennent pas la précaution de souscrire une assurance individuelle accident pour le cas où ils ne parviendraient pas à engager la responsabilité de l’organisateur ou d’un tiers. Sans doute celui-ci a le devoir de les informer de l’intérêt à souscrire une telle garantie mais cette obligation légale ne concerne que les clubs sportifs  

 

Jean-Pierre VIAL, « Le risque pénal dans le sport« , coll. « Lamy Axe Droit », novembre 2012

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Jean-Pierre Vial





Notes:

[1] Bordeaux, 8 nov. 1984, Juris-Data n° 042246 pour un cours de ski ; Crim. 29 sept. 1979,  JCP G 1979, p. 361, pour la pratique de l’alpinisme

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