Par une décision en date du 30 mars 2007, le Conseil d’état vient de condamner la Ville de Lyon pour avoir refusé de louer une salle municipale à l’Association cultuelle des Témoins de Jéhovah. Un avertissement lancé à tous les Maires de France qui, pour justifier leur refus, ne pourront se réfugier derrière la prohibition des subventions des cultes par les collectivités publiques (Loi 9 déc. 1905) au motif que les tarifs de location des salles municipales sont inférieurs à ceux des salles privées.

1. Les faits

Le 8 novembre 2006, l’association locale pour le culte des témoins de Jéhovah Lyon Lafayette sollicitait auprès de la Ville de Lyon la location d’une salle pour une célébration religieuse prévue le 2 avril 2007.

Après s’être vu notifier un refus par la collectivité territoriale en date du 9 janvier 2007, ladite association cherchait à connaître les motifs de ce refus et tentait de louer une autre salle.

Mais le 23 février dernier, la Ville de Lyon confirmait à cette dernière qu’il ne lui serait pas donné satisfaction.

2. La procédure

C’est dans ces conditions que l’association décidait de solliciter en urgence le juge administratif afin que celui-ci enjoigne à la Ville de lui consentir la location demandée.

Pour cela, les Témoins de Jéhovah considéraient que la condition d’urgence particulière exigée par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative était satisfaite. Le refus qui leur était opposé, d’ailleurs consécutif à d’autres refus de même nature opposés à des associations identiques et annulés précédemment par le juge, portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion, qui est une liberté fondamentale, dès lors que la Ville ne faisait état d’aucune menace à l’ordre public (V. CE, ord. réf., 19 août 2002, n° 249666, Front national : Juris-Data n° 2002-064227), mais seulement de considérations générales relatives au caractère sectaire de l’Association, ni d’aucun motif tiré des nécessités de l’administration des propriétés communales ou du fonctionnement des services.

Par ordonnance du 15 mars 2007, le juge des référés du Tribunal de Lyon suspendait l’exécution de la décision de refus prise par le Ville de Lyon.

La motivation du tribunal administratif de Lyon repose sur un double constat :

  • « en gardant le silence et en lui notifiant, suite à sa demande de motivation, une décision expresse de rejet le 23 février 2007 à l’issue d’un délai particulièrement long depuis sa demande initiale, le Maire de Lyon l’a placée dans une situation rendant incertaine la recherche d’une solution de substitution acceptable » ;
  • « si la Ville de Lyon soutient que les tarifs de location qu’elle pratique pour la location des ses salles sont susceptibles d’être regardés comme une subvention directe ou indirecte à l’exercice d’un culte prohibé par la loi du 9 décembre 2005, elle ne démontre pas que le prix de location demandé est sans rapport avec la qualité des prestations fournies au regard du marché local de location des salles ».

La nature de l’interdiction opposée à l’Association et ses effets permettaient au juge des référés, pour sauvegarder la liberté de réunion à laquelle il était gravement porté atteinte de manière manifestement illégale, d’enjoindre au Maire d’autoriser l’Association à louer une salle municipale aux jour et heure qu’elle avait sollicités, quand bien même cette disposition n’a pas de caractère provisoire (V. CE, ord. réf., 2 avr. 2001, n° 231965, Min. Int. c/ Marcel : injonction de restituer des documents d’identité).

La Ville de Lyon décidait de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat le 26 mars 2007.

3. La décision

Par décision en date du 30 mars 2007, le Conseil d’Etat rejette la requête formulée par la Ville de Lyon aux motifs que :

  • d’une part, « le refus opposé à l’association, d’ailleurs consécutif à d’autres refus de même nature opposés à des associations identiques et annulés précédemment par le juge administratif, portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion, qui est une liberté fondamentale, dès lors que la Ville de Lyon ne faisait état d’aucune menace à l’ordre public, mais seulement de considérations générales relatives au caractère sectaire de l’association, ni d’aucun motif tiré des nécessités de l’administration des propriétés communales ou du fonctionnement des services » ;
  • et d’autre part, « si l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 prohibe les subventions des cultes par les collectivités publiques, et si l’association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah Lyon-Lafayette doit être regardée comme une association cultuelle, le prix acquitté par cette association pour la location de la salle ne saurait être regardé comme une subvention de la ville au motif que les tarifs des salles municipales seraient plus avantageux que ceux des salles privées, dès lors que la Ville de Lyon n’établit pas, en tout état de cause, que l’association avait la possibilité de louer une salle privée au jour et aux heures qu’elle avait déterminés ; que la crainte, purement éventuelle, que les salles municipales soient l’objet de sollicitations répétées pour des manifestations à but religieux ne saurait davantage justifier légalement le refus de la ville ».

Un épilogue judiciaire qui devrait faire couler beaucoup d’encre et sonner comme un avertissement en direction de tous les Maires de france.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a non seulement conclu au rejet de la requête formulée par la Ville de Lyon mais a également été condamnée à payer à l’association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Lyon la somme de 5000 € au titre de l’article L.761-1 du Code de la Justice administrative.

En savoir plus :

CE, ord. réf., 30 mars 2007, n° 304053, Ville Lyon : Juris-Data n° 2007-071667

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