La balle est maintenant dans le camp du Conseil. Après deux ans de débats acharnés, le Parlement européen a obtenu la refonte du projet très contesté de directive sur la libre circulation des services présenté par la Commission européenne. Ce texte, baptisé rapidement « directive Bolkestein » par les médias, a été profondément remanié lors d’un travail parlementaire difficile et complexe. La nouvelle version du projet est jugée acceptable par une majorité de députés et d’États membres ainsi que par la Commission.

Le projet de directive sur la libre prestation de services au sein du marché intérieur est crucial pour l’avenir économique de l’Union européenne. Il s’agit en effet d’achever un projet inscrit dans le Traité depuis cinquante ans. Mais sa portée est aussi hautement politique. Avec le projet de Constitution européenne, il a été le texte le plus controversé ces dernières années. A tel point que la version initiale du texte présentée par l’ancien commissaire chargé du marché intérieur Fritz Bolkestein, était devenue pour beaucoup le symbole de l’affrontement entre Europe sociale et Europe libérale. Le gouvernement français avait ainsi réclamé la « remise à plat » du projet, jugé trop libéral. Tandis que, en février dernier, les gouvernements de six Etats membres (République tchèque, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Espagne et Royaume-Uni) avaient adressé une lettre à la Commission lui demandant, au contraire, de ne pas céder à une vision trop protectionniste de la directive.

Les divisions politiques au sein du Parlement européen ont été également très profondes, mais le vote du projet modifié, le 16 janvier dernier, a constitué un vrai et inattendu tournant. Les solutions proposées par les députés ont rencontré le soutien de la Commission et du Conseil. Le 24 mars dernier, le nouveau commissaire chargé du dossier, Charlie McCreevy, s’est engagé à suivre la ligne du Parlement dans la version révisée du texte. Deux jours plus tard, la présidence autrichienne du Conseil s’est prononcée en faveur de la version adoptée par les députés.

Le Parlement impose sa vision des choses

Il fallait satisfaire à la fois deux séries d’objectifs : d’une part, faciliter la libre circulation des services pour raviver le marché et stimuler la création d’emplois ; d’autre part, éviter une concurrence déloyale entre Etats membres provoquée par les différences entre leurs systèmes sociaux et salariaux et assurer la souveraineté des Etats dans les domaines du droit du travail et de la protection de certains intérêts vitaux. Pour y arriver, le Parlement, notamment grâce au vote majoritairement favorable des groupes PPE-DE (démocrate-chrétiens et conservateurs), PSE (socialiste) et ALDE (libéral-démocrate), a adopté trois changements majeurs. Premièrement, il a substitué la règle selon laquelle le prestataire de services serait soumis à la législation de son pays d’établissement quand il fournit temporairement un service dans un autre Etat membre, par celle de la « libre prestation des services ». Ainsi a été éliminé l’automatisme inscrit dans la proposition initiale, pour donner une marge de manœuvre plus large à l’Etat membre de destination. Cette modification du Parlement a été reprise par la Commission dans la version révisée du texte, présentée le 4 avril à Strasbourg. Deuxièmement, les députés ont réduit le nombre de domaines auxquels la directive s’applique, en excluant notamment les services de santé et les services sociaux, qui ne sont plus couverts par la directive. Restent aussi exclus les services d’intérêt général, les services financiers, les services de transport et portuaires, les services audiovisuels, les services fournis par les agences de travail intérimaire, les jeux d’argent et les services de sécurité. En troisième lieu, il est maintenant clairement indiqué que la directive s’appliquera sans préjudice du droit du travail et du droit social. Toute référence au détachement temporaire des travailleurs dans un Etat membre autre que celui d’établissement de l’entreprise des services a été supprimée.

Les prochaines étapes

Le texte modifié sera maintenant soumis par la Commission au Conseil des ministres de l’UE. Ce sera alors aux États membres de décider du sort de la proposition. Si, conformément aux attentes, le Conseil donne son aval au texte actuel sans grands changements, le Parlement pourrait se prononcer en deuxième lecture en automne et un accord entre les deux institutions serait envisageable vers la fin de l’année. Si, au contraire, le Conseil s’éloigne de la position prônée par le Parlement, la conciliation entre les deux institutions deviendra sans doute très difficile.

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