Le mécénat devrait constituer dans les prochaines années un poste de ressources incontournable pour les institutions sans but lucratif (ISBL) et pour les associations reconnues d’intérêt général (CGI, art. 238 bis) en particulier. En effet, dans la continuité de la loi « Aillagon » no2003-709 du 1eraoût 2003 (JO 2 août), les mesures gouvernementales en faveur du développement du mécénat ne cessent de se multiplier. La France tente ainsi de combler un retard important par rapport à ses voisins d’outre-atlantique, mais aussi européens. Cependant, si le phénomène doit incontestablement être encouragé, le recours à cette nouvelle« manne financière » n’est pas sans risque.

La structuration des « budgets associatifs » connaît actuellement de profonds bouleversements dans la mesure où les ressources privées sont en passe de prendre le pas sur les ressources publiques (1).

Les dernières mesures en faveur du mécénat et la réactualisation récente des barèmes de réduction d’impôt pour les dons consentis par les particuliers aux ISBL ne devraient que renforcer cette tendance générale :

– La circulaire du 13 février 2007 relative au bénévolat dans les associations agréées de sécurité civile permet aux entreprises de mettre des salariés à disposition des associations agréées de sécurité civile pendant leurs heures de travail, tout en continuant à prendre en charge leur rémunération. Ce mécénat de compétences ouvre droit pour l’entreprise mécène à une réduction d’impôt égale à 60% de la valeur du don dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires HT de l’entreprise (2).

– L’instruction fiscale 5 B-14-07 n°71 du 16 mai 2007 vient de fixer des nouveaux seuils fiscaux en matière de réduction d’impôt pour les dons consentis par les particuliers aux organismes reconnus d’intérêt général (CGI, art. 200 et 238 bis) : s’agissant des dons versés par les particuliers aux organismes de bienfaisance à compter du 1er janvier 2007, le taux de réduction d’impôt est toujours de 75 % mais la limite fixée passe de 479 € à 488 € ; s’agissant des frais de véhicules engagés par les bénévoles au titre de l’année 2006, ceux-ci peuvent faire l’objet d’une renonciation expresse de remboursement et en contrepartie ouvrir droit à la réduction d’impôt au titre du mécénat (3) ; s’agissant des contreparties autorisées pour le versement effectués par les particuliers à partir du 1er janvier 2006, la remise d’un bien d’une valeur maximale de 60 € est autorisée en contrepartie d’un montant de cotisation de moins de 240 € (4) ; enfin, s’agissant des cas de mise à disposition à titre gratuit d’un local à usage d’habitation, il est désormais précisé que ce don effectué au bénéfice des associations peut ouvrir droit à réduction d’impôt au titre du mécénat, mais uniquement en présence d’un contrat de bail mentionnant expressément la gratuité de la mise à disposition.

– La loi n°2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a institué le droit, pour les fondations universitaires ou partenariales respectivement mentionnées aux articles L.719-12 et L.719-13 du code de l’éducation, ainsi que pour tous les établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés d’intérêt général à but non lucratif, de recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt au titre du mécénat au profit tant des particuliers que des entreprises mécènes.

– La loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du Travail, de l’Emploi et du Pouvoir d’achat (TEPA) (Voir documents ci-joints) introduit la possibilité de déduire de l’impôt dû au titre de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), 75% des sommes versées au capital de PME, à des fondations reconnues d’Utilité Publique, ou à des associations ou organismes d’insertion ainsi qu’à des établissements publics de recherche et d’enseignement, dans la limite maximum de 50.000 €.

Et le Gouvernement actuel ne devrait pas en rester là puisque Mme Christine Albanel, Ministre de la Culture, déclarait encore récemment lors de son audition du 25 juillet 2007 devant la Commission des Affaires culturelles, que des nouveautés en matière de mécénat et de fondations étaient encore à prévoir dans les prochains mois.

Un tel volontarisme devrait assurément porter ses fruits.

En effet, si la France a longtemps accusé un retard important en matière de mécénat et de structures dédiées à la philanthropie (5), elle se situe désormais en première position européenne pour les avantages fiscaux attachés au mécénat, ainsi qu’il ressort d’une étude réalisée par la Fondation de France en avril 2007 (6).

Incontestablement, en offrant aux contribuables le droit d’affecter directement une partie de leurs ressources à une cause d’intérêt général de leur choix, la multiplication de ces mécanismes fiscaux participe à l’avènement d’une véritable démocratie participative. Mais le recours à ces nouvelles techniques de recherche de fonds propres n’est pas sans risques pour les organismes d’intérêt général et les associations bénéficiaires, en particulier.

En effet, et à l’instar de ce qu’elles ont précédemment connu au cours des années 80 avec les collectivités territoriales, les associations devront se prémunir contre tout risque d’instrumentalisation par le secteur privé marchand (7). De la même façon, la mise en oeuvre de certaines techniques de communication liées au mécénat (le mailing, l’échange de fichiers de donateurs, etc) demeure préoccupante. Tout comme l’utilisation calquée de certains outils marketing en lien direct avec le secteur marchand, tel que par exemple, le recours au « produit – partage » (8) qui, à terme, peut comporter un risque important d’altération de l’image globalement renvoyée par le secteur associatif.

Aussi, la pérennité du modèle économique des ISBL semble plus que jamais reposer sur la capacité de ses acteurs à multiplier les différentes formes de ressources envisageables (par le mécénat, mais également la vente de prestations économiques, les cotisations, les produits des manifestations exceptionnelles, les subventions, etc.). Ce n’est qu’à ce prix qu’elles continueront, en toute autonomie, à être capables d’explorer des secteurs économiques a priori non rentables tout en privilégiant une approche d’utilité sociale (9).

Colas AMBLARD

Rédacteur en chef

Cet Edito intitulé « L’essor du mécénat en France » (Octobre 2007) a fait l’objet d’une publication aux Éditions LAMY ASSOCIATIONS : Voir en ligne

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En savoir plus :

Odile DE LAURENS, « Les dernières mesures en faveur du mécénat », ISBL consultants, 11 sept. 2007 : Voir en ligne

Colas AMBLARD, « L’Etat encourage le mécénat de compétences : le bénévolat dans les associations agréées de sécurité civile », 23 mars 2007 : Voir en ligne

Colas AMBLARD, « Les fondations universitaires », ISBL consultants, 30 juillet 2007 : Voir en ligne

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Notes:

[1] V. Tchernonog, Les associations : financement, emploi, travail bénévole, évolutions, Rapport CNRS – Matisse – Centre D’Economie de la Sorbonne, juin 2007

[2] Le don de compétences sera évalué à son prix de revient, c’est-à-dire en prenant en considération les rémunérations et charges sociales y afférentes, desquelles pourront être déduits les éventuels dédommagements versés par l’association à l’entreprise

[3] Sur une base kilométrique de 0,284 € pour les véhicules automobiles (contre 0,279 € en 2005) et de 0,109 € pour les vélomoteurs, scooters et motos (contre 0,107 € en 2005)

[4] Une réévaluation est prévue en 2011 puis tous les cinq ans proportionnellement à la variation du montant de l’indice mensuel des prix à la consommation, hors tabac, de l’ensemble des ménages

[5] Antérieurement à la loi Aillagon de 2003, la situation était la suivante : aux Etats-Unis, le mécénat et la philanthropie représentent 2,1% du PIB (soit 10 milliards) contre 0,09% en France. La grande-Bretagne comptait en 2002, 3000 charity trusts et en Allemagne environ 10.000 fondations contre 500 en France

[6] Fondation de France, Dons et fiscalité : la Fondation de France, acteur majeur de la philanthropie en France, rapport avril 2007

[7] Colas AMBLARD, Associations et entreprises commerciales : des rapports complexes et ambigus, RECMA, Revue Internationale de l’Economie Sociale, n°297, juill. 2005, p 7 et s

[8] Le produit-partage est un produit ou un service, réalisé par une entreprise commerciale à destination d’un particulier ou d’une autre entreprise commerciale, sur lequel, sans majoration, un reversement est organisé au profit d’une association

[9] Sur la notion d’utilité sociale, voir Instruc. fisc. BOI 4 H-5-06 du 18 déc. 2006

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