L’article 140 de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 instaure un nouvel outil de financement à destination des organisations à but non lucratif. Créés par des personnes physiques ou morales, ces fonds dénommés « fonds de dotation » sont destinés à la collecte de dons et legs affectés de manière irrévocable :

– à une activité d’intérêt général,

– à une personne morale à but non lucratif.

S’inspirant de mécanismes déjà existants en Grande-Bretagne et aux États-Unis (« endowment funds »), ce dispositif est entré en vigueur le 6 août 2008. Ses caractéristiques placent cette nouvelle personne morale à mi-chemin entre l’association et la fondation reconnue d’utilité publique (FRUP).

1. Qu’est-ce qu’un fonds de dotation ?

C’est une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d’une oeuvre ou d’une mission d’intérêt général (CGI, art. 200).

Il peut également les redistribuer pour assister une personne morale à but non lucratif dans l’accomplissement de ses oeuvres et de ses missions d’intérêt général.

2. Qui peut créer un fonds de dotation ?

Il s’agit d’une ou plusieurs personnes physiques ou morales.

3. Quelle est la durée d’un fonds de dotation ?

Elle peut être à durée déterminée ou indéterminée.

A la différence des fondations reconnues d’utilité publique (FRUP), le fonds de dotation peut perdurer dans le temps.

4. Quelles sont les modalités déclaratives à prévoir ?

Il convient de prévoir la déclaration du fonds de dotation en Préfecture du département dans le ressort duquel il a son siège social, accompagnée du dépôt de ses statuts.

La date de publication au Journal officiel de la déclaration faite à la Préfecture confère au fonds de dotation la qualité de personne morale.

Les modifications des statuts du fonds sont déclarées et rendues publiques selon les mêmes modalités. Elles ne sont opposables aux tiers qu’à compter de leur publication.

Toute personne a droit de prendre connaissance, sans déplacement, des statuts du fonds de dotation et peut s’en faire délivrer, à ses frais, une copie ou un extrait.

5. De quoi est constitué le fonds de dotation ?

— des dotations en capital qui lui seront apportées ; — des dons et legs qui lui seront consentis.

Le ou les fondateurs peuvent apporter une dotation initiale au fonds.

Il pourra être dérogé à l’interdiction de recevoir des fonds publics pour une oeuvre ou un programme d’actions déterminé, au regard de son importance ou de sa particularité.

Ces dérogations seront accordées à titre (très) exceptionnel par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget.

6. Quelles ressources pour le fonds de dotation ?

— les revenus de ses dotations,

— les produits des activités autorisées par les statuts,

— les produits des rétributions pour service rendu.

7. Le fonds de dotation peut-il faire appel à la générosité publique ?

Oui, après autorisation administrative.

Les modalités de cette autorisation administrative seront fixées dans un décret à paraître.

Les dons issus de la générosité publique peuvent être joints à la dotation en capital du fonds de dotation.

9. Quelle utilisation le fonds de dotation peut-il faire de ses ressources et de sa dotation en capital ?

— concernant ses ressources : libre utilisation dans la limite de son objet social.

— concernant ses dotations en capital : seuls les revenus de celles-ci peuvent être utilisés, le principe résidant dans l’interdiction faite au fonds de dotation de disposer ou de « consommer » ses dotations en capital ; toutefois, par exception, les statuts peuvent fixer les conditions dans lesquelles la dotation en capital peut être consommée, ce qui sera particulièrement possible pour un fonds de dotation créé pour une durée déterminée pour la réalisation d’un projet précis dont l’efficacité sera fonction des moyens dont elle disposera à court terme (exemple : le soutien financier aux victimes d’une catastrophe naturelle).

Sur les incidences fiscales en cas d’utilisation du capital, voir ci-après.

10. – Comment s’administre un fonds de dotation ?

L’administration des fonds de dotation est assurée par un conseil d’administration qui comprend au minimum trois membres nommés, la première fois, par le ou les fondateurs.

La composition ainsi que les conditions de nomination et de renouvellement du conseil d’administration sont déterminées statutairement.

11. – Quelles obligations comptables pour les fonds de dotation ?

Il convient de prévoir, chaque année, l’établissement d’une comptabilité composée au minimum d’un bilan et un compte de résultat.

Par ailleurs, la publication des comptes doit intervenir dans les six mois suivant l’expiration de l’exercice.

Lorsque le fonds de dotation est alimenté par des dons issus de la générosité du public, il convient de prévoir en outre une annexe comportant le compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public.

Le défaut de production des comptes dans les conditions ci-dessus prévues entraîne la mise en jeu de la responsabilité personnelle du président et des membres du conseil d’administration du fonds de dotation en application de l’article L. 242-8 du Code de commerce.

12. – La nomination d’un commissaire aux comptes est-elle obligatoire ?

Oui, dès lors que le montant total de ses ressources dépasse 10 000 € en fin d’exercice (au moins un commissaire aux comptes et un suppléant, choisis sur la liste mentionnée à l’article L. 822-1 du Code de commerce).

13. – Quels contrôles s’appliquent sur les fonds de dotation ?

Plusieurs contrôles peuvent s’appliquer :

— Lutte contre le blanchiment : application des dispositions prévues à l’article L. 562-2-1 du Code monétaire et financier à la constitution ou à la gestion de fonds de dotation.

— Commissaire aux comptes (CAC) : à l’occasion de l’exercice de sa mission, si le CAC relève des faits de nature à compromettre la continuité de l’activité, il demande des explications au président du conseil d’administration. Les conditions de ce contrôle seront fixées dans un décret à paraître. Le président du conseil d’administration est tenu de lui répondre sous quinze jours. Le commissaire aux comptes en informe l’autorité administrative.

— Autorité administrative : elle s’assure de la régularité du fonctionnement du fonds de dotation. À cette fin, le préfet peut se faire communiquer tous documents et procéder à toutes investigations utiles. Le fonds de dotation adresse chaque année à l’autorité administrative un rapport d’activité auquel sont joints le rapport du commissaire aux comptes et les comptes annuels. En cas de dysfonctionnements graves, le préfet peut décider de suspendre l’activité du fonds pendant une durée de six mois au plus ou, lorsque la mission d’intérêt général n’est plus assurée, de saisir l’autorité judiciaire, laquelle pour
ra prononcer sa dissolution.

Un décret en Conseil d’État doit fixer les modalités d’application de cette procédure.

14. – Comment dissoudre un fonds de dotation ?

La dissolution peut être :

— statutaire ;

— volontaire ;

— judiciaire.

La dissolution du fonds de dotation fait l’objet d’une publication au Journal officiel.

La liquidation s’effectue dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, à l’initiative du liquidateur désigné par l’autorité judiciaire et le « boni de liquidation » est transféré à un autre fonds de dotation ou à une fondation reconnue d’utilité publique.

15. – Quid du régime fiscal ?

Les articles 140 et 141 de la loi de modernisation de l’économie appliquent un dispositif fiscal de faveur aux fonds de dotation :

— par principe, les fonds de dotation ne sont pas passibles des impôts commerciaux (CGI, art. 206, I bis modifié), à l’instar de la méthodologie applicable aux organismes sans but lucratif visés par l’instruction fiscale BOI 4 H-5-06 du 18 décembre 2006 ;

— les fonds de dotation sont également exonérés de l’IS au titre de leurs revenus dits patrimoniaux, à l’instar des fondations reconnues d’utilité publique (CGI, art. 206, 5 modifié et 219 bis abrogé). Cette exonération est toutefois limitée aux fonds de dotation dont les statuts ne prévoient pas la possibilité de consommer leur dotation en capital (CGI, art. 206, 5 modifié) ;

— les dons effectués par les particuliers et les entreprises au profit de ces nouveaux organismes sont éligibles au dispositif du mécénat (CGI, art. 200, 1, g nouveau ; CGI, art. 238 bis, 1, g nouveau) ;

— les dons et legs consentis aux fonds de dotation bénéficient d’une exonération de droit de mutation à titre gratuit (CGI, art. 795, 14° nouveau).

16. – Quid de la rémunération des administrateurs ?

Pour que la gestion soit considérée comme désintéressée, l’organisme doit être géré et administré en principe à titre bénévole. Des exceptions dont toutefois prévues par la doctrine administrative (BOI 4 H-5-06 préc.) et par la loi (CGI, art. 261, 7, 1°, d). Si la première est applicable aux fonds de dotation, il semble qu’il n’en soit pas de même de la seconde en l’état actuel du texte et sous réserve d’une confirmation de l’Administration sur ce point.

17. – Quelles peuvent être les causes de remise en question du caractère non lucratif du fonds de gestion ?

En cas d’exercice d’activités de gestion et de capitalisation, par les fonds de dotation, de dons, droits et legs dont les fruits sont versés :

— à des organismes autres que ceux visés à l’article 206, I bis du CGI (associations, fondations et congrégations dont la gestion est désintéressée, les activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant des recettes d’exploitation encaissées au cours de l’année civile au titre de leurs activités lucratives n’excède pas 60 000 €),

— ou à des organismes publics pour l’exercice d’activités lucratives (CGI, art. 206, 1 bis, 2e phr. nouvelle).

En tout état de cause, en cas d’exercice d’activités au profit d’entreprises qui sont de ce fait, imposables aux impôts commerciaux.

18. – Les fonds de dotation peuvent-ils bénéficier de franchise et exonération ?

— Franchise des impôts commerciaux : applicable aux recettes d’exploitation annuelles afférentes aux activités lucratives non prépondérantes inférieures ou égales à 60 000 €.

— Exonération : applicables aux recettes tirées des six manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées dans l’année en application de l’article 261, 7, 1°, c du CGI.

En revanche, les revenus des activités lucratives par détermination de la loi (ci-dessus n°17) devront être pris en compte.

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L’analyse des caractéristiques juridiques et fiscale réunies par le fonds de dotation montre bien que cette nouvelle personne morale dispose d’un statut situé à mi-chemin entre les associations et les fondations RUP.

Les modalités de gestion financière du fonds de dotation seront fixées par décret en Conseil d’État attendu dans les prochains mois.

A très bientôt donc.

En savoir plus :

Amblard C., Fonds de dotation : une révolution dans le monde des institutions sans but lucratif, Wolters Kluwers-Lamy Associations, coll. « Lamy Axe Droit », avr. 2010 : commander en ligne

Voir la vidéo de présentation de l’ouvrage Lamy Axe Droit visionner en ligne

Le décret d’application du 11 février 2009 relatif aux fonds de dotation : Voir en ligne

Nouvelle formation ISBL CONSULTANTS : Créer son fonds de dotation, le 27 février 2009 (Lyon) : réservez votre inscription

Loi n°2008-776, 4 août 2008, art. 140 (JO 5 août) : Voir en ligne

Edito ISBL consultants, octobre 2008, « Fonds de dotation : encore du nouveau sur le front du mécénat ! » (Publié aux Editions Lamy Associations, bulletin actualités, novembre 2008) : Voir en ligne

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