La période récente a fait l’objet de nombreux débats portant sur le désengagement de l’État et la crise du bénévolat ou de l’engagement. Deux enquêtes, conduites à 6 ans d’intervalle auprès d’un important échantillon d’associations, construit grâce à l’appui des mairies, permettent de renouveler les informations concernant le tissu associatif français et d’apporter quelques éléments aux débats.

Avec un budget cumulé de l’ordre de 59 milliards d’euros en 2005, les associations ont connu une augmentation moyenne et en volume de leurs budgets de l’ordre de 2,5 % par an, supérieure à celle du PIB qui est de 1,5 % en 6 ans. La place des associations dans l’économie continue donc de croître.

Les ressources privées ont augmenté deux fois plus rapidement que les ressources publiques sur la période, ces évolutions tenant pour une bonne part à l’augmentation plus rapide du nombre de petites associations de membres qui vivent dans une faible proximité avec les pouvoirs publics puisque leur projet se met en place à partir du travail bénévole et de financements privés, des cotisations pour l’essentiel.
De nombreuses associations ont fait état d’un désengagement de l’État qui a été parfois massif et brutal. Après une longue période qui avait vu une augmentation et une intensification des relations financières entre puissance publique et associations, serait-on entré dans une dynamique de désengagement de la puissance publique ?
Un premier constat s’impose : les ressources publiques ont certes crû moins rapidement que les ressources privées, mais elles ont cependant continué à croître en volume, à un rythme annuel moyen de 1,6 %, c’est-à-dire très proche de proche de celui du PIB.
Ou ces discours trouvent-ils alors leur fondement ? Le partenariat pouvoirs publics/associations a été marqué par des ruptures et des évolutions contrastées des différentes collectivités publiques : la période récente a en effet connu une forte restructuration des financements publics consécutive, pour une part importante, à la décentralisation : le transfert de compétences de l’État vers les collectivités locales a modifié, voire parfois bouleversé, le partenariat public des associations. L’État a diminué ses financements en direction des associations d’environ 5 % en volume sur la période alors que les régions et les départements ont vu leurs financements augmenter de façon importante – respectivement 40 et 20 % d’augmentation – Les conseils généraux sont ainsi devenus en quelques années un partenaire important des associations ; ils assurent aujourd’hui en le dixième du financement des associations. Les associations qui avaient pour principal partenaire l’État se sont parfois très brusquement trouvées en grande difficulté et ont, pour certaines, dû interrompre leurs interventions ou les limiter de façon drastique, tandis que d’autres associations, intervenant dans des domaines d’action nouveaux ou déjà partenaires des conseils généraux, se sont développées d’une façon rapide et parfois considérable.
Les effets des phénomènes de restructuration des financements publics ont aussi été amplifiés par l’arrivée de nouvelles associations, souvent porteuses de projets innovants ou correspondants à des besoins nouveaux : les financements publics ont certes augmenté en volume, mais moins vite que le nombre d’associations, et celles-ci se trouvent en concurrence entre elles, pour l’accès aux ressources publiques comme pour l’accès aux autres ressources ou au bénévolat.
Les associations manquent de bénévoles. Peut-on en conclure que le développement de l’action associative est entravé par une baisse de l’engagement bénévole, qui aurait pour conséquence une stagnation du nombre de bénévoles ou, au mieux, une augmentation trop lente de leur nombre alors que le nombre d’associations continue de croître à un rythme soutenu : le secteur associatif s’est accru dans la période de quelque 220 000 associations. Les chiffres montrent que le travail bénévole, loin de s’être raréfié, a au contraire crû de façon importante : 30 % en 6 ans. Si l’on ne peut donc parler de baisse de l’engagement, comment expliquer alors cette évolution, au regard d’une baisse parfois ressentie et exprimée dans les discours tenus par les associations ?
Si le nombre total de bénévoles actifs dans les associations a augmenté, le nombre moyen de bénévoles et le nombre d’heures de travail bénévole par association ont diminué dans les associations employeurs, et ils ont légèrement augmenté dans les petites associations sans salarié. C’est l’augmentation du nombre d’associations qui explique alors, pour l’essentiel, l’augmentation considérable du volume total du travail bénévole enregistrée dans la période. Une meilleure formation et qualification des bénévoles, qui reste encore nombreux à vouloir s’engager, contribuerait très certainement à satisfaire les besoins en travail bénévole exprimés aujourd’hui par les associations.
Les jeunes ou les ouvriers déserteraient-ils les responsabilités associatives, et les femmes refuseraient-elles les fonctions de pouvoir ? Les enquêtes conduites nous montrent que les associations sont effectivement, dans leur majorité, dirigées par des hommes, souvent retraités et fréquemment issus des couches favorisées de la société – cadres supérieurs, professions libérales, enseignants – alors que les ouvriers sont quasiment absents des structures dirigeantes des associations. Le chemin à parcourir reste encore long pour améliorer le renouvellement des dirigeants, mais l’accès des différentes catégories sociales encore sous – représentées s’effectue cependant, même si c’est encore timidement, à travers la création des nouvelles associations dans lesquelles les créateurs peuvent plus facilement occuper les fonctions de dirigeants.

Viviane TCHERNONOG
Chercheur au CNRS, Matisse, Centre d’Economie de la Sorbonne

Cette présentation préfigure la sortie prochaine d’une étude CNRS Matisse sur l’évolution du secteur associatif sous la conduite de Viviane Tchernonog.

 

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