La Cour administrative d’appel de Paris a jugé que l’activité de l’association YACHT MOTEUR CLUB DE FRANCE devait être soumise à l’impôt sur les sociétés.

En effet, selon la Cour, cette association a eu pour activité quasi exclusive, pendant la période en litige, la location à ses membres d’anneaux d’amarrage, ainsi que la mise à leur disposition d’installations permettant la pratique d’un sport nautique, sous réserve du paiement d’une cotisation dépendant de la possession ou non d’un bateau par les membres de l’association, ainsi que de la taille des bateaux amarrés. La mise à la disposition des installations ne saurait donc être regardée comme gratuite.

Par ailleurs, l’association n’ayant  pas, pendant la période vérifiée, procédé à l’organisation de manifestations sportives, elle ne saurait, en conséquence, soutenir que la location d’anneaux d’amarrage ne serait que la condition de la réalisation de telles manifestations, ni que les différences de cotisations en fonction de la taille des bateaux amarrés correspondent à des activités sportives différentes entraînant des différences de coûts.

Les services ainsi rendus par l’association sont, contrairement à ce qu’elle soutient, offerts en concurrence, dans la même zone géographique d’attraction, avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique dans la région parisienne.

Les conditions dans lesquelles cette association exerce cette activité ne sont pas différentes de celles que pratiquent ces entreprises. Le Yacht Moteur Club de France  ne répond pas, en offrant ce service de location, à des besoins insuffisamment satisfaits par le marché ou ne s’adresse pas à un public qui ne peut pas normalement accéder aux services offerts par le secteur concurrentiel.

Le club fait valoir qu’il offre des prix inférieurs à ceux proposés par certains ports commerciaux voisins, mais  il ne résulte pas de l’instruction que ses tarifs soient modulés en fonction de la situation des bénéficiaires. En outre, l’association  Yacht Moteur Club de France  ne fournit pas les éléments permettant de remettre en cause l’analyse du service selon laquelle les tarifs de l’intéressée sont dans la moyenne des prix pratiqués en région parisienne et sont, par suite, comparables à ceux pratiqués dans le secteur concurrentiel.

Dans ces conditions, alors même que sa gestion présenterait un caractère désintéressé, que les relations avec les adhérents s’inspireraient d’un esprit mutualiste, que des cotisations, d’un montant au demeurant très faible, sont réclamées aux membres ne possédant pas de bateaux et aux membres en congé, et que la cessation de toute organisation de manifestations sportives ferait suite aux dégâts causés par la tempête de 1999, l’association requérante doit être regardée comme se livrant à une exploitation lucrative passible de l’impôt sur les sociétés (CAA Paris, 16 décembre 2011, n° 09PA07252).

Cette décision de la Cour administrative d’appel de  Paris est conforme à la doctrine et à la jurisprudence relatives à la notion de lucrativité

Les dispositions légales – L’assujettissement des personnes morales à l’impôt sur les sociétés résulte de l’article 206-1 du CGI qui prévoit : « Sont passibles de l’impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée, … et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ».

Donc, a contrario, les personnes morales qui exercent une activité sans but lucratif sont exonérées d’impôt sur les sociétés.

La doctrine administrative – L’administration fiscale a précisé dans son instruction du 18 déc. 2006 (BOI 4 H-5-06) que pour déterminer si les opérations d’une association sont ou non lucratives, il convient d’examiner :

– si sa gestion est désintéressée ou non ;

– si elle concurrence, ou non, le secteur commercial ;

– et si, en cas de réponse positive à la question précédente, elle exerce son activité selon des modalités de gestion similaires ou différentes de celles des entreprises commerciales.

La gestion désintéressée – Le caractère désintéressé de la gestion d’un organisme est défini par le « d » de l’article 261-7-1° du CGI dans les termes suivants :

– l’organisme est géré et administré à titre bénévole par des personnes n’ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation ;

– l’organisme ne procède à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelle que forme que ce soit ;

– les membres de l’organisme et leurs ayants droit ne peuvent pas être déclarés attributaires d’une part quelconque de l’actif, sous réserve du droit de reprise des apports.

Toutefois, la rémunération de certains dirigeants ne remet pas en cause le caractère désintéressé de la gestion si certaines conditions sont remplies

Au cas particulier, il est établi que la gestion du Yacht Moteur Club de France est exercée de manière désintéressée.

La concurrence faite aux entreprises commerciales – Si la gestion de l’association est désintéressée, elle ne peut être considérée comme ayant un caractère lucratif que si elle fait concurrence à des entreprises commerciales ou à d’autres associations elles-mêmes fiscalisées. En l’espèce, l’activité du Yacht Moteur Club de France consiste pratiquement exclusivement à louer des anneaux d’amarrage à ses membres. Selon la Cour, des services de même nature et s’adressant au même public sont offerts dans la même zone géographique d’attraction, par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Dans ces conditions, il faut pousser l’analyse plus loin pour examiner dans quelles conditions cette activité est exercée en appliquent la règle des quatre « P ».

Les quatre « P » – Pour apprécier si tel organisme exerce son activité, considérée comme concurrentielle, dans des conditions similaires à celles d’une entreprise, il faut examiner successivement quatre critères selon la méthode du faisceau d’indices : le « Produit » proposé par l’organisme, le « Public » qui est visé, les « Prix » qui sont pratiqués, enfin les opérations de communication (« Publicité ») réalisées.

Le produit proposé doit être d’utilité sociale, c’est-à-dire satisfaire un besoin qui n’est pas pris en compte par le marché ou qui l’est de façon peu satisfaisante. Au cas d’espèce, la location d’anneaux d’amarrage en région parisienne peut difficilement être considérée comme ayant une utilité sociale marquée et par ailleurs l’activité dont il s’agit est pris en compte par le marché local.

Le public visé doit principalement être composé de personnes justifiant l’octroi d’avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale (chômeurs, personnes handicapées notamment, etc.). Tel n’est pas le cas en l’occurrence.

Le prix du service doit être nettement inférieur à celui de services de nature similaire offerts par le secteur commercial. Cette condition peut éventuellement être remplie lorsque l’association pratique des tarifs modulés en fonction de la situation des clients. La Cour a observé que les prix pratiqués par le Yacht Moteur Club de France n’étaient pas modulés en fonction de la situation des bénéficiaires.

La publicité est un indice de lucrativité. Mais une association peut réaliser une information, notamment par Internet, sur ses prestations sans toutefois que celle-ci s’apparente à de la publicité commerciale destinée à capter un public analogue à celui des entreprises du secteur concurrentiel. Le fait qu’un organisme sans but lucratif dispose d’un site Internet pour informer tant ses adhérents que toute personne intéressée par ses activités, ne doit pas conduire à considérer que cette association recourt à des méthodes commerciales destinées à capter un public analogue à celui des entreprises du secteur concurrentiel. Internet apparaît en effet comme un vecteur normal de diffusion d’informations pour un organisme sans but lucratif.  De même, le seul fait que le site soit accessible à partir d’autres sites ne doit pas remettre en cause cette analyse dès lors que l’existence du lien est justifiée par l’activité même des différents organismes exploitant les sites. A contrario, un organisme sans but lucratif qui aurait recours sur Internet à de la publicité payante afin de faire connaître son offre de services par le biais de bandeaux ou bannières publicitaires, permettant ou non un accès à son site, recourt à des méthodes commerciales publicitaires (BOI 4 H-5-06). Au cas d’espèce, la question de la publicité n’est pas évoquée.

En définitive, la décision de la Cour administrative d’appel de Paris est parfaitement logique et ne peut être critiquée compte tenu de l’état actuel de la doctrine et de la jurisprudence.

 

Bernard THEVENET
Avocat au Barreau de LYON,
 

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Documents joints:

CAA Paris, 16 décembre 2011, n° 09PA07252



Notes:

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