L’acte d’apport est incontestablement une opération hybride à manipuler avec précaution. Pour autant, ses caractéristiques si particulières peuvent s’avérer extrêmement précieuses dans certaines circonstances. Au moment où il est question de faire entrer la possession des œuvres d’art dans la base de calcul de l’ISF, les collectionneurs ont tout intérêt à créer des fonds de dotation pour y affecter des œuvres faisant partie intégrante de leur patrimoine personnel. Dans cette opération, le recours au contrat d’apport peut s’avérer extrêmement bénéfique tant sur un plan juridique que fiscal.
L’amateur d’œuvres d’art peut souhaiter ouvrir l’accès de sa collection privée au grand public[1]. Dans ces conditions, ce dernier peut être amené à créer une fondation, voire même un fonds de dotation[2], beaucoup plus facile à créer et tout aussi efficace sur le plan juridique et fiscal.
L’un des principaux avantages juridiques réside dans la capacité offerte au collectionneur de créer facilement ce type de structure et d’en conserver facilement la maîtrise. Maîtriser un fonds de dotation ? En effet, rien de plus simple dans la mesure où la loi NRE n°2008-776 du 04 août 2008 impose uniquement à cet organisme unipersonnel de nommer 3 administrateurs au moment de la création, le fondateur pouvant même se réserver statutairement une place au conseil d’administration.
Certes, les œuvres transmises au fonds de dotation pourront faire l’objet d’une donation pure et simple. Cependant, dans une telle hypothèse, aucune réappropriation n’est envisageable pour le fondateur-donateur à terme. Il pourra disposer de sa collection comme bon lui semble, mais uniquement à travers les activités d’intérêt général (CGI, art. 200 et 238 bis) réalisées par le fonds de dotation et en respectant les règles de gouvernance décrites plus avant. Lors de la dissolution du fonds de dotation, le fondateur verra ses œuvres attribuées, soit à un autre fonds de dotation, soit à une fondation reconnue d’utilité publique en application de l’article 140, VIII, al. 2 de la loi précitée…
Pour éviter cette dépossession irrémédiable, le fondateur pourra également faire un apport de ses œuvres au fonds de dotation, lequel peut être assorti d’un droit de reprise. En effet, l’apport est parfaitement légal s’agissant d’un fonds de dotation. L’instruction fiscale du 09 avril 2009[3] autorise expressément ce type d’opérations au profit de fonds de dotation, en faisant même référence à un droit de reprise possible.
A la différence de la donation qui – nous l’avons vu – est irrévocable[4], l’acte d’apport offre au fondateur ou à ses héritiers la possibilité de reprendre possession de sa collection à tout moment, y compris lorsque celui-ci sera fait en pleine propriété[5]. Par contre, ce droit de reprise devra être expressément prévu dans l’acte d’apport ou dans les statuts du fonds de dotation, car il n’est pas de droit[6]. Autre précaution à prendre, et pas des moindres, il conviendra de motiver le recours à une telle opération, en caractérisant l’existence d’une contrepartie suffisante pour exclure l’intention libérale. Pour cela, il appartiendra au rédacteur de l’acte de bien analyser la jurisprudence de la Cour de cassation et ainsi de s’assurer que la contrepartie offerte à l’apporteur est de nature à sécuriser l’opération.
Pour aborder ce type de projets, le recours à un professionnel averti est donc fortement conseillé ! Sinon, le collectionneur risque fort de ne jamais revoir ses œuvres appelées, de ce fait, à disparaître dans la liquidation du fonds de dotation !
Ainsi on le voit, l’acte d’apport offre un grand nombre de possibilités en permettant aux collectionneurs de se déposséder (temporairement) de toute ou partie de leur collection privée, tout en conservant la maîtrise et l’affectation de leurs œuvres pendant toute la durée de la mise à disposition du fonds de dotation.
Colas Amblard, Directeur des publications

En savoir plus :
C. Amblard, formation ISBL CONSULTANTS, »Chosir sa structure juridique dediée au mécénat » : voir en ligne
C. Amblard, Fonds de dotation : une révolution dans le monde des institutions sans but lucratif (ISBL), Lamy, collec. Axe droit, mars 2010 : commandez en ligne
 
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Notes:

[1] L’organisation d’expositions d’art contemporain consiste en la diffusion au public d’une ou plusieurs œuvres, d’artistes-auteurs vivants ou décédés depuis moins de 70 ans bénéficiant dela protection prévue à l’article L 123-1 du Code de la propriété intellectuelle, quel que soit le support de ces œuvres (dessin, peinture, sculpture, photographie, vidéographie, etc…).
[2] C. Amblard, Fonds de dotation : une révolution dans le monde des ISBL, Ed. Lamy, Collec. Axe Droit, 2010
[3] Instr. fisc. BOI 4 C-3-09 du 09 avril 2012, § 12
[4] C. civ., art. 894
[5] Réalisée en pleine propriété – l’apport en usufruit étant également envisageable – l’œuvre d’art sort du patrimoine du collectionneur le temps de l’apport, c’est-à-dire jusqu’au moment où celui-ci décide d’actionner son droit de reprise
[6] Cass. 1ère civ. 4 nov. 1982 : Rev. Sociétés 1983, p. 826 note G. Sousi

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