L’économie collaborative recouvre, à la fois, des plateformes d’échanges de biens et de services entre particuliers sans recherche de profit et des plateformes d’offres commerciales. En plein essor, l’économie collaborative tend à faire évoluer le modèle socio-économique et concurrence les activités traditionnelles. Les pouvoirs publics sont confrontés à de nouveaux défis : accompagner le dynamisme de ce secteur de l’économie tout en protégeant les travailleurs des comportements abusifs et en garantissant une fiscalité équitable. Une mission parlementaire sur le sujet a été confiée au député de l’Ardèche Pascal Terrasse qui doit remettre son rapport au début de l’année 2016.
Qu’est-ce que l’économie collaborative ?
L’économie collaborative est une économie de pair à pair. Elle repose sur le partage ou l’échange entre particuliers de biens (voiture, logement, parking, perceuse, etc.), de services (covoiturage, bricolage, etc.), ou de connaissances (cours d’informatique, communautés d’apprentissage, etc.), avec échange monétaire (vente, location, prestation de service) ou sans échange monétaire (dons, troc, volontariat), par l’intermédiaire d’une plateforme numérique de mise en relation.
L’économie collaborative se développe dans tous les secteurs d’activité :

  • Logement : location entre particuliers, colocation, échange d’appartement, habitat participatif
  • Transport : location de véhicules entre particuliers, échange ou revente de billets de transport, covoiturage, livraison collaborative, voiture de tourisme avec chauffeur (VTC)
  • Alimentation : groupements de consommateurs, associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), co-restauration
  • Équipement divers : vente ou achat de matériel d’occasion, don, prêt, échange ou location de matériel ou appareil
  • 
Habillement : location, don, troc, revente/achat de vêtements
Services d’aide entre particuliers : courses, bricolage, gardiennage, soins aux animaux
  • Culture, enseignement : cours en ligne, soutien scolaire, etc.

Les technologies numériques ont eu un impact déterminant dans l’essor de l’économie collaborative. La crise économique et financière de 2007-2008 a aussi contribué à son développement, les particuliers étant à la recherche d’économies et de revenus complémentaires. Ces mêmes particuliers, dans un contexte de chômage élevé, ont été de plus en plus nombreux à proposer leurs biens ou leurs services de manière régulière. Enfin, l’économie collaborative répond à des phénomènes de sous-utilisation de biens et d’infrastructures en favorisant l’usage des biens plutôt que leur possession.
L’économie collaborative se développe selon deux stratégies face à l’offre conventionnelle :

  • en dupliquant les modèles de consommation classiques (prendre un taxi, louer un appartement) mais en utilisant les ressources des particuliers et en proposant des services absents de l’offre classique (applications mobiles, prix attractifs, retour critique sur la prestation, etc.).
  • 
en créant un service nouveau ou complémentaire de l’offre classique. C’est l’exemple du covoiturage qui permet de se rendre à une destination donnée mais selon des modalités différentes des modes de transport traditionnels.

L’économie collaborative vient ainsi bousculer les modèles existants tant pour les consommateurs que pour les entreprises.
En 2014, 70% des internautes français ont acheté ou vendu sur des sites de mise en relation entre particuliers. Le plus souvent, les particuliers qui proposent des biens ou des services recherchent un complément de revenu mais certains en font une véritable activité.
 
L’émergence de nouvelles formes d’emploi
Le développement de l’économie collaborative, mais aussi plus largement du numérique, contribue à l’émergence de nouvelles formes d’emploi. Des formes hybrides d’emploi, à la frontière du salariat, apparaissent : portage salarial, franchise, contrat de travail temporaire, etc.
En France, le statut d’auto entrepreneur est largement utilisé. Pour les entreprises, ce système a l’avantage de faire diminuer ses coûts. De leur côté, les travailleurs bénéficient d’un contact direct avec leurs clients, sont libres de décider de leurs horaires et peuvent combiner plusieurs activités. Néanmoins, les travailleurs d’une plateforme sont bien juridiquement indépendants, ils échappent à un lien de subordination tel que le définit un contrat de travail, mais ils sont dépendants économiquement de la plateforme.
Comme le souligne un rapport de 2008, « ces travailleurs sont privés deux fois de protection : n’étant pas salariés, ils ne peuvent prétendre à la protection juridique qu’offre le code du travail ; n’étant pas réellement indépendants, ils ne bénéficient pas de la protection économique que donne la multiplicité des donneurs d’ordre, la rupture de commande d’un seul étant d’effet limité. »
Les travailleurs, utilisateurs de plateformes de l’économie collaborative, peuvent ainsi subir des modifications des conditions générales de fonctionnement de la plateforme ou des changements de tarification par décision unilatérale de la plateforme. Par exemple, les chauffeurs de VTC sont des travailleurs indépendants. Chaque micro-entrepreneur se connecte sur la plate-forme électronique de réservation Uber et y développe une réputation individuelle sur la qualité de son service. En octobre 2015, Uber a annoncé une baisse de 20% de ses tarifs à Paris sans consulter préalablement ses chauffeurs. Ces plateformes ne sont en effet pas soumises aux obligations liées au statut d’employeur.
Dans son rapport « Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires« , le Conseil national du numérique (CNNum) souhaite favoriser le développement de l’économie collaborative mais se prononce en faveur d’une plus grande protection des travailleurs des plateformes. Le CNNum considère qu’un socle de droits communs devrait être défini, tant au niveau individuel que collectif (notamment nécessité d’une forme de représentation sociale des travailleurs des plateformes).
Pour que ces droits soient effectifs, une “responsabilisation” des plateformes de l’économie collaborative est nécessaire. Pour cela, un principe de loyauté devrait être appliqué aux plateformes. Ce principe entraîne des obligations de transparence, d’information et de non-discrimination entre individus ou groupes d’après certains caractères particuliers (sexe, origine…) aboutissant à une inégalité.. Les relations entre les plateformes et leurs utilisateurs non-salariés pourraient être encadrées par ce principe (transparence sur les modes de rémunération et la tarification, information sur les algorithmes de fixation des prix, sur la notation des prestations et sur les conditions de déréférencement, notamment).
Le CNNum mais aussi Bruno Mettling mettent l’accent sur la définition de droits attachés à la personne et transférables d’une entreprise à l’autre et/ou d’un statut à l’autre. Par le biais d’un compte personnel d’activité, il s’agirait d’assurer l’accès à une protection sociale pour les nouvelles formes de travail, mais aussi leur participation au financement de la protection sociale.
 
Quelle fiscalité pour l’économie collaborative ?
En principe, tous les revenus dégagés de l’économie collaborative doivent être déclarés à l’administration fiscale, à l’exception des ventes d’occasion par un particulier et du covoiturage. Dans les faits, le système fiscal apparaît inadapté à l’économie collaborative.
Les revenus des particuliers sur les plateformes collaboratives sont en effet imposables dans les conditions de droit commun. Ils doivent être déclarés et sont soumis à l’impôt sur le revenu (IR). Quand ils ont un caractère répétitif, ils sont imposés au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Les auto-entrepreneurs sont imposés de manière forfaitaire dès lors que leur chiffre d’affaires ne dépasse pas 82 200 euros par an pour les ventes de marchandises, ou 32 900 euros par an pour les prestations de services. Ils sont également soumis aux prélèvements sociaux et le cas échéant à certaines taxes sectorielles, comme la taxe de séjour.
En pratique, les particuliers qui cherchent seulement à « arrondir leurs fins de mois » sont de bonne foi et ne savent tout simplement ni quels revenus déclarer, ni comment s’y prendre. De « faux particuliers », qui réalisent parfois un chiffre d’affaires important, peuvent aussi s’exonérer délibérément de leurs obligations fiscales, conscients que la probabilité de contrôle est faible.
Cette situation aboutit à des pertes de recettes pour l’État, encore accrues par le fait que les entreprises multinationales propriétaires échappent le plus souvent à une grande partie de l’impôt sur les sociétés. Elle constitue aussi une concurrence déloyale à l’égard des entreprises traditionnelles.
La législation évolue cependant. La loi de finances pour 2015 a ouvert la possibilité de confier la collecte de la taxe de séjour aux plateformes de réservation par Internet. A Paris, Airbnb a commencé à collecter la taxe de séjour à partir du 1er octobre 2015 pour le compte des personnes qui louent leur logement. La taxe de séjour pour les meublés touristiques non classés est fixée à 0,83 euroEuro par nuitée et par voyageur. Au total, la taxe de séjour collectée par Airbnb devrait rapporter « quelques millions d’euros » à la Mairie de Paris. Pour le Sénat, dans un rapport sur la fiscalité de l’économie collaborative, « la collecte automatique de la taxe de séjour par les plateformes constitue un progrès important : il s’agit d’un processus simple et efficace, qui démontre qu’une modernisation du recouvrement de l’impôt dans le cadre de l’économie numérique est envisageable« .
De plus, une disposition de la loi de finances pour 2016 oblige les plateformes collaboratives à informer leurs membres des sommes qu’ils doivent déclarer à l’administration fiscale. Les plateformes devront envoyer à leurs utilisateurs un relevé annuel des revenus perçus.
Dans son rapport, le CNNum considère que l’inclusion de l’ensemble des acteurs et des activités dans le prélèvement de l’impôt est un prérequis pour garantir une redistribution juste et équitable des richesses créées.
 

source : http://www.vie-publique.fr

 

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