Le caractère précaire de la situation des dirigeants tient à la nature juridique du statut dont disposent ces derniers au sein de l’association en application de la loi du 1er juillet 1901 (1) : ils sont des représentants conventionnels et non des représentants légaux au sens de la théorie institutionnelle (2). En effet, ce sont les statuts et le règlement intérieur qui, en principe, définissent avec précision la nature et l’étendue des pouvoirs conférés à chacun d’entre eux au sein de ce type de structure.

Aussi, faute de stipulations particulières dans les statuts ou le règlement intérieur, il convient de se référer aux dispositions du Code civil déterminant les principes juridiques applicables au mandat (C. civ. art. 1984 et s.). Pour cela, l’article 2004 du code civil dispose que le mandat est révocable à tout moment dans le respect du principe de parallélisme des formes. En d’autres termes, c’est l’organe qui a nommé le dirigeant qui « peut révoquer sa procuration quand bon lui semble », c’est-à-dire le plus souvent le conseil d’administration pour le président et l’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire (3) pour les administrateurs.

Cette procédure de révocation ad nutum du mandat de dirigeant ne doit pas s’analyser comme une sanction disciplinaire qui, elle, nécessite que soit établie l’existence d’une faute préalable et oblige à respecter les droits de la défense. Toutefois, si aucun motif particulier ne doit être évoqué pour la mise en oeuvre d’une procédure de révocation, celle-ci ne doit pas pour autant être abusive (4).

Une décision récente de la Cour de cassation en date du 30 avril 2009 vient utilement rappeler que si la révocation n’a pas à être inscrite à l’ordre du jour, celle-ci doit être justifiée par un incident de séance.

Dès lors, deux questions se posent :

  • quels évènements sont de nature à constituer un incident de séance justifiant la mise en oeuvre (régulière) d’une procédure de révocation ad nutum ?
  • comment peut-on sécuriser sur le plan juridique la situation d’un dirigeant associatif en place face à ce type de procédure ?

S’agissant de la première question, la Cour de cassation (5) relève l’existence d’« incidents graves » ayant émaillé l’assemblée, notamment des critiques formulées par onze des dix huit membres de l’association à l’encontre du président qui aurait rédigé un procès-verbal dont le contenu révèle « un caractère non-exhaustif » et « non conforme aux propos tenus » ; des résultats « imprécis s’agissant des votes émis sur des questions prévues à l’ordre du jour » ; ou encore « l’existence de propos dont les termes apparaissaient à la limite de l’insulte »… Pour le Tribunal de grande instance d’Auch du 2 septembre 2008 (6) l’incident de séance était caractérisé par « le contexte d’affrontement qui préexistait à l’assemblée générale ». En l’espèce, le Juge relève que l’ordre du jour de l’assemblée générale extraordinaire en question portait entre autre sur la modification d’un article des statuts, « lequel définissait la composition du conseil d’administration, de telle sorte que, implicitement mais nécessairement, la question du maintien ou de la révocation des administrateurs actuels était en jeu ». Enfin, la Cour d’appel de Paris dans une décision en date de 2003 relève le refus de donner quitus aux administrateurs qui, selon elle, traduit « un manque de confiance des sociétaires dans la gestion des administrateurs » (7).

S’agissant de la seconde question, deux mécanismes statutaires permettent de sécuriser la position des dirigeants : le premier consistera à apporter dans les statuts des précisions pouvant porter sur la détermination de l’organe compétent en matière de révocation (assemblée générale, conseil d’administration, autre) ainsi que sur le quorum ou/et la majorité nécessaire pour entériner une telle décision ; le second consistera à prévoir dans les statuts ou le règlement intérieur la possibilité pour le dirigeant concerné de se faire assister (par un avocat ou autre) pour toute procédure d’exclusion voire même de révocation (voir observations à propos de Cour de cassation, ch. com. 10 mai 2006 pourvoi n°05-16.909 P+B).

A l’appréciation discrétionnaire des juges du fond concernant la notion d’incident de séance, il conviendra de substituer une disposition statutaire mieux à même de protéger les intérêts des dirigeants enclins à affronter les difficultés liées à la gestion d’une structure associative.

Colas AMBLARD

Directeur des publications ISBL consultants

En savoir plus :

(*) Source : Viviane Tchernonog : Les associations en France, poids, profils et évolutions (Financements publics et privés, emploi salarié et travail bénévole, gouvernance), Rapport ADDES, novembre 2007 : Voir en ligne

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Notes:

[1] La loi du 1er juillet 1901 (art. 1) prévoit expressément que l’association est un contrat et qu’elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations

[2] Cass. 1ère civ. 21 novembre 2006 n°05-14.630 : Bull. civ. I n°494

[3] C. cass. 1ère ch. civ. 29 novembre 1994, n°1588 P, Bull. Joly, p.182, note M. Jeantin.

[4] C. cass. ch. com. 6 mai 1974, n°7214-536 : Bull. civ. I, n°143, p. 121. : une révocation ad nutum est abusive si elle est décidée de façon brutale, intempestive et entourée de circonstances vexatoires

[5] Ibidum

[6] TGI, 2 septembre 2008, n°ordonnance 08/168, n°dossier 08/00126 (inédit)

[7] CA Paris, 17 janvier 2003, Bull. rapide Dr. des Aff. 7/03, p.2

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