Dans quelle condition, une association sportive peut-elle être déclarée responsable du fait d’une chose détenue individuellement par un de ses membres ?

Pour traiter de la responsabilité d’un groupement sportif du fait du dommage causé par un matériel utilisé par un de ses membres, il faut examiner successivement le cas où la victime est un sportif et celui ou il s’agit d’un spectateur.

Hypothèse 1 : la victime est un joueur

Il faut faire, ici, une distinction entre groupements professionnels et amateurs

1- Responsabilité du groupement sportif professionnel

Un préposé n’est jamais gardien ce qui sera normalement le cas d’un joueur professionnel. Son club est en théorie responsable vis-à-vis d’un spectateur blessé ou d’un autre joueur non pas du fait de son membre mais bien en sa qualité de gardien. Ainsi dans un arrêt du 10 nov 1997 [1], la cour d’appel de Grenoble relève qu’un joueur promotionnel est « en rapport de subordination avec son club » ce qui implique « qu’il n’est pas le gardien du ballon utilisé dans le jeu ». En l’occurrence elle a considéré que son club était gardien du ballon projeté dans l’œil d’un joueur. Il faudrait toutefois réserver le cas où l’accident se serait produit lors d’un entrainement improvisé entre joueur et non organisé par leur club. Dans ce cas le juge pourrait admettre que le club n’avait pas la garde du ballon au moment de l’accident (en ce sens [2])

2- Responsabilité du groupement sportif amateur

Le groupement amateur n’a pas normalement la qualité de commettant de ses joueurs (encore que tout un courant doctrinal s’efforce de démontrer qu’il y a bien une relation hiérarchique entre les dirigeants et leurs joueurs puisque ceux-ci doivent se soumettre à une discipline collective et accomplissent leur activité dans un cadre réglementé [3] Dans ce cas, c’est le sportif qui est gardien du matériel puisqu’il en a l’usage et la direction au moment de l’accident. Cela ne pose par de problèmes pour les sports de lancer. En revanche, pour les sports ou les joueurs se renvoient la balle, comme pour le football, il faut rappeler que la garde en commun refoule l’application de l’article 1384 alinéa 1 comme l’indique la Cour de cassation dans une espèce où un joueur de football avait été blessé par le choc contre sa tête, causé par le ballon frappé du pied par le gardien de but de l’équipe adverse [4]. L’éviction de l’article 1384 alinéa 1 est également fondée sur l’acceptation des risques encore que cette théorie est en déclin puisque la Cour de cassation a refusée de l’appliquer à une jeune fille blessée lors d’une partie de football par son entraîneur [5] et à un jeune garçon blessé par une balle de tennis renvoyée par son partenaire à l’aide d’une batte de base-ball civ [6].

Hypothèse n°2 : La victime est un spectateur Le spectateur blessé par un ballon ou tout autre matériel sportif (un javelot ou un poids) a toujours une action possible contre l’auteur direct du dommage. Il a toutefois plus intérêt à rechercher la responsabilité du groupement organisateur qui est assujetti à l’obligation d’assurance en responsabilité et lui offre ainsi une meilleure garantie de réparation

1 – Action contre l’auteur du dommage

Si la théorie de la garde en commun s’applique entre joueurs, en revanche, elle ne s’applique pas forcément dans les rapports entre un joueur et un spectateur. Ainsi, la cour d’appel de Bordeaux [7] après avoir réformé un jugement qui avait admis, pour indemniser une spectatrice blessée lors d’un match de hockey sur gazon la garde en commun de la balle par l’ensemble des joueurs sur le terrain, a relevé que le dommage avait été consécutif à l’action personnelle d’un joueur qui avait volontairement envoyé la balle en touche et retenu la responsabilité de ce joueur en qualité de gardien de la balle [8].

2 – Action contre le club organisateur

Rien n’empêche le spectateur victime de rechercher la responsabilité du club dont le membre est l’auteur du dommage en se prévalant de la jurisprudence qui combine la responsabilité des parents et la responsabilité du fait des choses. Comme le suggère J. Mouly, (op. cit.) la combinaison de la responsabilité du fait d’autrui et de la responsabilité générale du fait des choses devrait conduire à admettre la responsabilité des clubs à l’égard des spectateurs lorsqu’ils sont blessés par un ballon dont les joueurs ont la garde collective. Il faut toutefois y mettre une réserve tirée du principe du non cumul des responsabilités, qui ne permet pas au spectateur d’actionner le club organisateur de la rencontre avec lequel il a contracté sur le terrain délictuel (mais dans ce cas, il pourra toujours reprocher au club organisateur un manquement à son obligation de sécurité moyen en n’ayant pas pris les dispositions nécessaires pour protéger les supporters contre le risque de projection d’un ballon ou de tout autre matériel sportif dans les gradins). L’action du spectateur contre le groupement sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du code civil ne pourra donc aboutir que dans le cas où le spectacle est gratuit et dans celui où le dommage est imputable à un membre du club non organisateur de la manifestation, toutes situations où il n’existe aucune relation contractuelle entre la victime et le groupement. Il faut, par ailleurs, préciser que dans les épreuves motorisées la loi Badinter du 5 juillet 1985 ne s’applique qu’au gardien du véhicule. Un organisateur ne répond donc pas des blessures causées à un spectateur par un automobiliste ou un motocycliste sur le fondement des dispositions de cette loi car il n’a pas ni l’usage, ni le contrôle ni la direction du véhicule. Il pourrait, en revanche, en aller différemment si l’accident est causé par un préposé de l’organisateur, par exemple un pilote motocycliste qui en ouvrant la route, faucherait un spectateur. (Sauf s’il s’agit d’un collaborateur bénévole dont il a été jugé qu’il n’était pas le préposé de l’organisateur [9].

Le club n’est toutefois pas dépourvu de tout moyen de défense. Il lui sera toujours possible d’obtenir une exonération de responsabilité en opposant à la victime son comportement fautif, notamment si elle a choisi un emplacement dangereux. Par exemple, un spectateur blessé par un ballon avait pu constater qu’un père de famille avait dû faire reculer ses enfants qui manquaient d’être atteints [10]. Mais tout dépendra des circonstances. S’il s’agit d’un resquilleur, où s’il a le choix de l’emplacement, il sera facilement déclaré responsable des conséquences du choix de sa place sur le terrain. De même, dans les stades sommairement équipés, il sait bien que « le déboulé » d’un joueur sur la ligne de touche est toujours possible et qu’il y a imprudence à ne pas s’écarter de la main courante quand des joueurs s’en approchent [11].

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Jean-Pierre Vial





Notes:

[1] RG n° 00003929/95, Juris data n° 056917

[2] civ 2, 7 oct 1987 Juris-data n° 001514

[3] En ce sens P Jourdain D 2000 p 465. S Denoix de Saint Marc D 2000 p 862 n°8)

[4] 13 janvier 2005 Bull. civ. II, 2005, n° 9 p. 8

[5] civ 2, 4 juillet 2002 D 2002, som. P 461, note P Jourdain

[6] 2, 28 mars 2002, D 2002 p 3237 note Zerouki

[7] 5ème ch 9 nov 1989

[8] contra Riom 30 nov 1931, DS 1932 p 81, note J Loup, estimant qu’on ne pouvait retenir aucune présomption de responsabilité à la charge d’un joueur à propos du ballon qu’il avait projeté en touche et qui avait blessé un spectateur à l’œil

[9] Toulouse,4 nov. 2008 Juris data n°2008-374863

[10] Riom, 30 nov. 1931, DS 1932, p. 81, note J. Loup

[11] Civ. 1, 30 janv. 1970, D. 1968, jurispr. p. 360.

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