L’usage des outils numériques par les institutions sans but lucratif est actuellement au cœur des préoccupations des pouvoirs publics. Une série de dispositifs législatifs et de propositions récentes intéressant les associations et les fondations esquissent le futur cadre de ce que certains appellent déjà la « troisième révolution industrielle ». [1] L’ensemble des entreprises de l’Économie sociale et solidaire doit se saisir de cette occasion pour accroître sa visibilité et peut-être même virer en tête à la sortie du virage numérique amorcé par notre économie.

Après la promulgation de la loi pour une République numérique le 07 octobre 2016 qui légalise le don par sms, le Haut Conseil de la Vie Associative (HCVA) à rendu le 21 novembre dernier un rapport sur l’utilisation des outils de communication électronique dans le fonctionnement des associations. Site internet, messagerie et vote électronique, collecte en ligne (crowfunding ou don par sms), utilisation de logiciels libres, sauvegarde informatique des données (cloud)… sont autant de pratiques qui bouleversent le fonctionnement du secteur des ISBL (association, fondation, fonds de dotation)[2].

1/ Le don numérique est légalisé

Les financements innovants intéressent de plus en plus le secteur des ISBL dans leurs collectes de fonds. En effet, la tendance du don en ligne est en progression constante (+2%) portant désormais à 24%[3] la proportion des français qui s’est adonnée à cette nouvelle pratique au cours de l’année 2015. Pour autant aucun encadrement juridique de cette nouvelle pratique n’existait en France à la différence de 14 autres pays de l’Union européenne. C’est désormais chose faite avec la promulgation de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique[4] laquelle anticipe l’entrée en vigueur de la Directive « service de paiement » qui, depuis novembre 2015, autorise le don par sms.

L’article 94 de la loi précitée procède donc à une modification du Code monétaire et financier[5] permettant désormais aux fournisseurs de réseaux ou de services de communications électronique de « fournir des services de paiement sur des services de communications électronique, à un abonné à ce réseau ou ce service, pour l’exécution d’opérations de paiement dans le cadre de la collecte de dons par les organismes faisant appel public à la générosité au sens de la loi n°91-772 du 7 août 1991. » Toutefois, le nouveau dispositif législatif s’ouvre uniquement aux micro-dons des particuliers puisque les donations réalisées par ce moyen électronique ne pourront pas dépasser 50 € et la valeur cumulée des dons ainsi effectués ne pourra pas excéder 300 € par mois.

Bien que ne faisant pas expressément référence au dispositif de mécénat, il semble bien que cette opération ne soit pas soumise à TVA[6]. Le don devra apparaître distinctement de la facture téléphonique. Par ailleurs, il est prévu que l’opérateur ne puisse pas prendre de marge à cette occasion.

Cette nouvelle ressource devrait révolutionner la collecte, à l’instar du Royaume-Uni où ce mode opératoire représente désormais entre 10% et 20% des montants récoltés[7]. Il doit également permettre de toucher les jeunes donateurs, puisque 69% des moins de 35 ans utilisent cette nouvelle forme de générosité.

Pour autant, les ISBL devront respecter les critères permettant de lancer une campagne d’appel public tels que prévus par la loi n°91-772 du 7 août 1991[8], à savoir la formulation d’une déclaration préalable pour les associations ou d’une autorisation préalable pour les fonds de dotation[9] de la préfecture du département dont relève le siège de ces structures. Ces ISBL devront en outre produire un compte emploi d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public[10] certifié par un commissaire aux comptes.

2/ L’utilisation d’outils de communication électronique dans le fonctionnement associatif

Dans son dernier rapport[11], le HCVA se penche quant à lui sur « les possibilités d’emploi d’outils de communication électronique dans le fonctionnement des instances délibératives et dirigeantes, voire des commissions internes, des associations ». Pour ce faire, il a diligenté une enquête rapide montrant que les statuts des associations sont, pour la plupart, déjà en situation d’accueillir ce nouveau mode d’expression et que plusieurs fédérations utilisent déjà le vote électronique. Ce type d’expression 2.0 est-il compatible avec le principe de démocratie qui préside dans bon nombre de ces structures ? A priori, aucune incompatibilité n’est recensée, la loi de 1901 laissant les parties librement s’organiser. Les statuts devront par conséquent prévoir la possibilité de recourir au vote électronique et les ISBL devront s’assurer que le principe d’égalité des membres soit bien respecté (notamment face à la détention de matériel informatique permettant le vote dématérialisé). Le HCVA pourrait prochainement proposer des exemples de rédaction de clauses à insérer dans les statuts.

Ce nouvel outil d’expression comporte de nombreux avantages (diminution des coûts de déplacement, simplicité). Néanmoins, il est à craindre que celui-ci vienne restreindre les possibilités pour les membres d’associations de débattre au fond lors des assemblées générales notamment, et par conséquent l’échange et le dialogue au sein de ces ISBL. Mais, sur ce point aussi, il faut vivre avec son temps, les nouvelles technologies (vidéo conférence, skype…) proposant également de nombreuses solutions qui permettent aux personnes de débattre, pour peu que celles-ci en expriment réellement le désir.

Colas AMBLARD, Directeur des Publications

En savoir plus :

Rapport-hcva-numerique 21112016

Loi pour une République numérique le 07 octobre 2016

 

Print Friendly, PDF & Email



Documents joints:

rapport-hcva-numerique 21112016

Notes:

[1] J. RIFKIN, La troisième révolution industrielle, Ed. Les liens qui libèrent, janv. 2012

[2] Pour en savoir plus : Dossier Vie associative : le déclic du numérique, Juris associations, Dalloz, n°524, 15 sept. 2016, p. 20 à 34

[3] Baromètre IFOP-Limite, avril 2016

[4] L. 2016-1321 du 7 oct. 2016, JORF n°0235 du 08 oct

[5] Code mon. Fin., art. L 521-3-1,

[6] A. Blondel, Il sera bientôt possible de faire des dons aux associations par sms, Le Monde, 22 oct. 2016

[7] N. Belkadi, Du bon usage des outils numériques dans le milieu associatif, Le nouvel économiste, 3 nov. 2016

[8 L. n°91-772 du 7 août 1991, art. 3 al. 1 modifié par l’ord. n°2015-904 du 23 juill. 2015

[9] L. n°2008-776 du 4 août 2008, art. 140, III, al. 5 ; Décret n°2009-158, art. 6 et 11

[10] L. préc. , al. 2

[11] HCVA, L’utilisation des outils de communication électronique dans le fonctionnement associatif, rapport, 21 nov. 2016

© 2024 Institut ISBL |  Tous droits réservés   |   Mentions légales   |   Politique de confidentialité

Vous connecter avec vos identifiants

Vous avez oublié vos informations ?