La loi du 10 juillet 2000 a modifié substantiellement les éléments constitutifs des délits d’imprudence en dépénalisant les fautes ordinaires des auteurs indirects de l’infraction. Ceux-ci, réputés avoir créé les conditions d’un dommage ou ne pas avoir pris les mesures permettant de l’éviter, ne sont responsables que de leurs fautes délibérées ou caractérisées. Selon une jurisprudence aujourd’hui bien établie, la connaissance du danger apparaît comme l’élément déterminant de la faute caractérisée ainsi que l’attestent deux récentes décisions du juge correctionnel. Elles confirment par la même occasion que les personnes exerçant des fonctions d’encadrement ont la qualité d’auteurs médiats.

1-Le jugement du tribunal correctionnel de Tarascon du 27 avril 2010 et l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 22 mars 2011 ont pour point commun la responsabilité de personnels d’encadrement ayant en charge la surveillance de personnes handicapées. Dans la première espèce, au cours d’une promenade encadrée par quatre éducateurs d’un foyer, un adulte handicapé se blessait mortellement en tombant d’une falaise. Dans la seconde, un jeune autiste se noyait après avoir échappé à la surveillance des éducateurs qui se rendaient avec d’autres enfants handicapés mentaux sur une aire de jeu à proximité immédiate d’un plan d’eau. Dans ces deux affaires, comme il est de règle en matière d’infraction d’imprudence, la question préalable de l’existence et de la qualification du lien de causalité devait être réglée (I) avant toute appréciation de la faute caractérisée de vigilance reprochée aux éducateurs (II).

I- Le lien de causalité

2-Les délits d’imprudence sont des infractions de résultat. La faute doit avoir provoqué un dommage. Point d’infraction si le dommage n’a pas pour cause la faute incriminée ou s’il est incertain. En l’espèce, le lien de causalité entre les manquements à l’obligation de surveillance et l’accident n’était contesté dans aucune des deux espèces. Il était, en effet, facile d’établir que ces deux accidents auraient été évités si les éducateurs avaient normalement accompli leur mission de surveillance. Sur un point particulier on relèvera que l’arrêt d’appel prend un grand soin à mettre en évidence le lien de causalité. En l’occurrence, le jeune autiste avait échappé à la surveillance de ses éducateurs alors qu’il se trouvait à proximité immédiate d’un plan d’eau. Les juges relèvent qu’aucun d’eux ne s’est dirigé vers ses abords alors que, selon toute vraisemblance, la victime attirée par l’eau pouvait s’y trouver. Mais ce manquement ne peut être retenu que s’il est préalablement établi, et de manière certaine, que les éducateurs auraient alors rapidement repéré l’enfant lui donnant ainsi une chance de survie. Pour en administrer la preuve, les juges observent que le rapport d’autopsie a constaté la présence de nombreuses diatomées et d’autres organismes planctoniques dans le prélèvement pulmonaire. Cette découverte permet d’affirmer que la mort est survenu à la suite d’une noyade par immersion c’est-à-dire par absorption d’eau jusqu’à l’arrêt cardiaque. Elle n’est donc pas un décès par hydrocution où la victime coule à pic sans se débattre. Dans ces conditions, comme l’indique l’arrêt « le mécanisme de la noyade ne constitue pas une mort silencieuse mais se déroule dans une agitation conséquente de l’eau » si bien que le bruit provoqué par le brassage énergique de l’eau aurait alerté les éducateurs et permis de localiser la victime à temps. Ce raisonnement repose toutefois sur l’hypothèse que l’enfant se soit débattu, ce qui n’est pas établi avec certitude puisqu’il est des morts pas immersion dont nul n’a vu ni entendu la victime se noyer.

3-Si l’existence du lien de causalité n’était pas contestée par les parties dans cette espèce, en revanche, la défense des prévenus, le ministère public et les parties civiles étaient en complet désaccord sur la qualification du lien de causalité. Les premiers considéraient qu’il s’agissait d’un lien direct et les seconds d’un lien indirect. Il faut voir dans ce débat l’incidence de la loi du 10 juillet 2000 qui soumet la responsabilité à des règles d’appréciation différentes selon que la causalité est directe ou indirecte. C’est dire l’enjeu majeur de cette étape préalable à l’examen de la faute. En effet, si les éducateurs avaient été considérés comme des auteurs directs, une faute simple suffisait pour engager leur responsabilité. Au contraire si on estimait qu’il s’agissait d’auteurs indirects, il fallait alors établir une faute qualifiée de leur part. De la qualification du lien de causalité dépend donc le seuil de gravité de la faute exigée. C’est un sujet de polémique par la faute du législateur demeuré muet sur la définition de la causalité directe.

4-Deux théories s’affrontent. D’une part, celle de la « causalité immédiate », à laquelle s’est rangée la chancellerie et dont s’inspirait la défense des prévenus. Elle considère comme auteur direct celui qui a provoqué le dommage. Elle implique donc un contact physique entre celui-ci et la victime, ce qui n’était pas le cas dans la présente espèce puisque le jeune autiste s’était noyé hors de la présence de ses accompagnateurs.

5-L’autre théorie, dite « de la causalité adéquate » fait un arbitrage entre les différentes causes du dommage pour ne retenir que celles qui ont été déterminantes et écarter les causes qui n’ont été que l’occasion du dommage. La Cour de cassation en a fait des applications dans le contentieux des accidents de la circulation [1] et dans les procès mettant en cause des personnels hospitaliers [2]. En revanche, elle a jusqu’ici considéré comme auteurs indirects les organisateurs et accompagnateurs-notamment enseignants et moniteurs de sport-d’activités de détente ou de loisirs pour adultes ou enfants [3]. C’est la position qui avait été affirmée par le tribunal correctionnel d’Angers dans cette affaire, citant à l’appui la circulaire du 11 octobre 2000 et relevant « qu’aucun des prévenus n’aurait eu un contact direct » (avec la victime) « qui l’aurait fait tomber dans l’eau du lac [4] ». Cette analyse qui subordonne la responsabilité des prévenus à une faute caractérisée dans le cadre d’une causalité indirecte, est reprise à son compte par la cour d’appel. Toutefois, si on s’en tient à la théorie de la causalité adéquate, il eut été tout aussi possible de considérer que la faute de surveillance des prévenus était la cause directe du dommage. Elément déclencheur de l’accident, elle « n’était pas venue en surcharge du processus devant y conduire » et avait enclenché « une dynamique lancée vers une réalisation inéluctable » [5]. Il serait intéressant de savoir, dans le cas d’un pourvoi, si la Cour de cassation maintient sa jurisprudence ou est disposée à revoir sa position. Un revirement de sa part aurait un effet désastreux dans les milieux éducatifs et sportifs. En effet, la grande peur que le drame du Drac avait provoquée parmi les enseignants, et que l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon statuant sur renvoi après cassation [6] dissipa en partie, aurait aussitôt réapparu avec son cortège d’inhibition et, en particulier, la remise en question par les enseignants de toute activité à risque comme les sports de plein air. Il faut donc approuver l’arrêt de la Cour d’appel d’Angers pour avoir contenu la causalité directe dans des limites raisonnables.

6-Pour autant, la réforme des infractions d’imprudence n’est qu’une loi de dépénalisation partielle. Elle élève le seuil de la faute en excluant du champ de la répression les fautes ordinaires des auteurs indirects. En revanche, ceux-ci demeurent responsables de leurs fautes qualifiées. L’imprécision de la définition de la faute caractérisée laisse une importante marge de manœuvre au juge comme l’attestent les deux espèces commentées.

II- La faute caractérisée

7-La faute qualifiée de l’article 121-3 du code pénal présente une double face : tantôt délibérée tantôt caractérisée. La faute délibérée, à la jonction de la faute intentionnelle, est remarquable par l’étroitesse de son périmètre. Elle n’existe que par la transgression volontaire d’une loi ou d’un règlement prescrivant une obligation particulière de sécurité. La violation du texte est une condition nécessaire mais insuffisante. Il faut aussi qu’elle s’accompagne d’une hostilité à son endroit par celui qui doit l’appliquer. Elle implique donc nécessairement un refus manifeste. L’inobservation d’une prescription de sécurité par simple négligence n’est pas une faute délibérée. Autant dire qu’il n’en a jamais été question ici car aucun texte, ni loi ni règlement ne prescrit d’obligation de surveillance pour les éducateurs spécialisés et, à supposer qu’il y en eut un, rien dans les circonstances de l’espèce n’indiquait qu’il aurait été enfreint délibérément. En l’occurrence, la faute qualifiée qui leur était reprochée ne pouvait être que caractérisée.

8-La faute caractérisée a un domaine d’application beaucoup plus vaste que celui de la faute délibérée puisqu’elle a pour vocation d’inclure dans son champ d’autres manquements que la transgression volontaire d’une règle écrite de discipline sociale. C’est d’ailleurs le plus souvent sur ce fondement que sont prononcées les condamnations. L’imprécision de sa définition laisse le champ libre aux tribunaux. En effet, le législateur ne donne aucune indication précise sur le seuil d’intensité du manquement laissant ainsi à chaque juge le soin d’apprécier l’endroit où va venir se placer le curseur entre la faute ordinaire et la faute caractérisée.

9-En revanche, l’article 121-3 précise que le comportement fautif doit avoir exposé autrui à un risque d’une particulière gravité que le prévenu ne pouvait ignorer. A l’examen de la jurisprudence, ces deux conditions apparaissent déterminantes pour l’appréciation de la faute caractérisée. Elles constituent l’instrument de mesure du degré de gravité de la faute. Plus le danger dont les prévenus avaient connaissance ou étaient réputés l’avoir est grave et imminent et plus le niveau d’exigence des mesures de précaution qui auraient dû être prises sera élevé. Si la comparaison entre le comportement attendu et les mesures effectivement mises en œuvre révèle un écart important, la faute sera considérée comme caractérisée. Le juge devra cependant s’assurer, comme le lui rappelle l’article 121-3, que la mission inexécutée entrait bien dans les missions du prévenu et qu’il avait la compétence, les moyens et les pouvoirs de l’accomplir normalement. Il lui faut donc se livrer à l’analyse de ces fonctions et plus précisément des obligations à sa charge.

10-Chez les personnes à qui incombe la garde d’autrui, l’obligation de surveillance est renforcée lorsque les participants sont vulnérables en raison de leur âge ou d’un handicap et qu’ils se trouvent dans un environnement dangereux. La surveillance doit alors s’exercer de manière constante, vigilante et rapprochée, ce qui implique pour les encadrants d’avoir en permanence les participants dans leur champ de vision comme le confirment les deux espèces.

11-Dans la première, les accompagnatrices du groupe des handicapés se rendaient à la visite de grottes situées à proximité immédiate de falaises. Le jugement relève qu’elles «  avaient un peu relâché la pression » lors de leur arrivée près des grottes. D’après les indications qu’il fournit, la victime n’aurait pas suivi les éducateurs à une intersection avec la calade principale qui montait vers les falaises et, d’après l’information judiciaire, ceux-ci ne se seraient rendu compte de sa disparition qu’une quarantaine de secondes après avoir franchi l’intersection. Une surveillance renforcée s’imposait à un double titre. D’une part les participants étaient des handicapés, donc des personnes vulnérables par excellence. D’autre part, les lieux étaient « escarpés et boisés ». De telles circonstances impliquaient un niveau d’exigence élevé de la surveillance. Il y a un décalage certain entre celle qui aurait dû être exercée au moment de l’accident et le comportement des éducatrices. Elles ont failli à leur tâche à deux reprises. D’abord, la victime n’est pas dans leur champ de vision puisqu’elles la précèdent, ce qui révèle une faute d’organisation. Ensuite, par manque de vigilance, elles laissent s’écouler un temps certes court, mais anormalement long compte tenu de la dangerosité des lieux. Comme le précise le jugement, elles « auraient dû s’assurer à chaque instant de la présence des adultes dont elles avaient la charge, ceux-ci risquant d’être hors de leur vue en l’espace de quelques secondes ».

12-Dans la seconde espèce, deux éducateurs et une infirmière spécialisée d’un centre de pédopsychiatrie s’étaient rendus avec 4 enfants âgés de 5 à 7 ans sur une aire de jeu située à proximité immédiate d’un lac, pour animer un « atelier thérapeutique ». Au moment de la sortie du véhicule ils découvrent que la « sécurité enfant » d’une porte coulissante n’a pas normalement fonctionné. Deux d’entre eux s’attardent alors sur le système de sécurité pendant que le troisième prend en charge les enfants. Aucun d’entre eux n’a vu la victime disparaître et la fugue est découverte au moment où ils viennent à la rencontre de leur collègue. En l’occurrence, le danger était manifeste : le lac est à proximité immédiate, l’accès à l’eau non sécurisé, et les enfants autistes sont réputés avoir une attirance pour l’eau et « ont tendance à s’éclipser en silence sans que leur gardien s’en aperçoive ». De surcroît la victime atteinte d’un autisme sévère avait été signalée par ses parents comme un enfant turbulent. Tous ces facteurs de risque impliquaient que les éducateurs redoublent de vigilance d’autant, comme le font remarquer les juges, qu’ils avaient les moyens d’exercer une surveillance permanente puisqu’ils étaient trois professionnels pour encadrer quatre enfants.

13-Là encore, les circonstances révèlent que les précautions d’usage n’ont pas été prises. Si l’opportunité de cette sortie n’est pas en cause, le choix du lieu pour l’activité qui, curieusement, n’est pas relevé dans l’arrêt, n’apparaît pas adapté compte tenu de la proximité immédiate du plan d’eau et de la dangerosité du public encadré. En outre, il y a un manque évident d’organisation de la surveillance au moment de la sortie des enfants du minibus puisque aucun des éducateurs n’a vu la victime s’échapper. Enfin, même si les juges ne le signalent pas, on a peine à comprendre l’intérêt de mobiliser deux d’entre eux pour vérifier le système de sécurité et laisser seule la troisième éducatrice s’occuper d’enfants nécessitant la plus grande vigilance.

14-La cour d’appel met également en évidence un défaut d’organisation des recherches qui n’avait pas été relevé par les premiers juges. En effet, les prévenus ne se sont pas spontanément dirigés vers les berges du lac dès qu’ils ont constaté la disparition de l’enfant, bien qu’ils le sachent attiré par l’eau.

15-L’accumulation de faute, comme le révèlent les deux espèces, où il est question à la fois d’un manque d’organisation et d’un défaut de vigilance, est un des critères habituellement retenu par la jurisprudence pour mettre en évidence la faute caractérisée. La cour d’appel cite d’ailleurs à l’appui de ce motif un arrêt de la chambre criminelle du 10 janvier 2006.

16-Toutefois, il n’y a pas de faute caractérisée sans connaissance de l’existence d’un danger pour autrui. C’est un élément déterminant dans l’appréciation du degré de gravité de la faute. La connaissance du risque s’effectue « in concreto ». Elle est appréciée à la fois au regard de la dangerosité des lieux, de la vulnérabilité de la victime et du professionnalisme des prévenus. Le Tribunal correctionnel de Tarascon signale que l’une d’entre elles s’était rendue à plusieurs reprises sur les lieux. Si elle n’était jamais montée en haut des falaises, elle n’en ignorait pas la présence et par-là même, la possibilité d’une chute. L’autre éducatrice n’était jamais venue sur les lieux, mais les falaises étaient visibles et elle ne pouvait ignorer que, compte tenu de la configuration des lieux, un risque de chute n’était pas exclu. Des constatations semblables sont faites en ce qui concerne la victime elle-même. Une des éducatrices a signalé qu’elle avait tendance à marcher la tête baissée, ce qui pouvait l’amener à se perdre et à retourner dans le village.

17-La Cour d’appel d’Angers consacre également d’importants développements à l’appréhension du danger par les prévenus. Elle observe qu’ils connaissaient bien toutes les caractéristiques du comportement de la victime pour la suivre depuis 2 ans. Ils n’ignoraient pas le risque de fuite brutale de l’enfant qui ne savait pas nager et avaient bien identifié son attirance pour les milieux aquatiques. Par ailleurs, ils savaient que l’accès à l’eau du lac n’était pas sécurisé, comme ils avaient pu le vérifier en s’y rendant précédemment. Enfin, l’un des éducateurs a remarqué que la victime s’était détachée la première et voulait déjà sortir du véhicule alors qu’ils étaient à peine arrivés sur le parking de stationnement.

18-Il faut encore faire remarquer que les prévenus sont tous des professionnels, ce qui renforce leur connaissance du danger. L’arrêt rappelle justement que « l’obligation de compétence qui pèse sur un professionnel postule la compréhension et l’anticipation de l’ensemble des dangers inhérents à son activité ». Il est donc plus exposé au risque pénal qu’un personnel d’encadrement bénévole, par sa connaissance affirmée du risque. Son manque de réaction, d’organisation ou de vigilance, pour assurer la protection des personnes qu’il a en charge et dont il connaît assurément l’inconscience du danger, met en lumière l’existence d’une faute caractérisée.

19-Dans les cas d’imprévoyance inconsciente de la part de personnes en charge de la surveillance d’autrui, la connaissance du danger apparaît donc bien comme l’élément déterminant dans l’appréciation de la gravité du manquement. Plus l’appréhension du risque est affirmée et plus le degré de gravité d’une négligence est élevé. L’ampleur de la faute ne procède pas tant de la matérialité des faits reprochés que dans la connaissance du risque pour autrui. Le fait de relâcher son attention pendant une courte durée ou de manquer de vigilance dans l’organisation de la surveillance n’est guère qu’une faute ordinaire. Elle atteint le seuil de la faute caractérisée lorsque les personnes encadrées et le lieu où se déroule l’activité sont d’une particulière dangerosité dont le prévenu a une parfaite connaissance à la fois parce que l’endroit lui est familier ou que le danger est apparent et que son professionnalisme lui permet de prendre l’exacte mesure de l’inconscience du danger des personnes qu’il encadre.

20- Cela étant, les prévenus n’ont pas laissé délibérément les participants sans surveillance. Il leur est seulement reproché d’avoir manqué de professionnalisme dans l’organisation de la surveillance. Les juges en ont tenu compte en décidant, dans les deux affaires, la non-inscription de la condamnation au B2 du casier judiciaire. Il existe cependant des différences dans le quantum des peines prononcées qui s’expliquent mal au regard de l’analogie des circonstances. Pour les uns une peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et pour les autres une simple peine d’amende avec sursis.

21- Ces deux espèces méritent encore l’attention par le rappel qu’elles font de règles bien acquises en jurisprudence. La première concerne la responsabilité pénale des communes, limitée par l’article 121-2 du code pénal, aux infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public. Les activités non délégables sortent, en effet, du champ de leur responsabilité comme c’est le cas de la police administrative. Les défaillances des maires n’ayant pas exercé leur mission de police pour la prévention des risques ne sont pas susceptibles d’engager la responsabilité de la collectivité. C’est ce qu’a rappelé le tribunal correctionnel de Tarascon en relevant que la commune était poursuivie pour n’avoir pas avisé les promeneurs du danger de chute à l’endroit des grottes, ou pour n’avoir pas pris de mesures particulières permettant de les protéger. La Cour d’appel d’Amiens avait déjà statué dans le même sens à propos de la mise en cause d’une commune à qui était reproché de ne pas avoir pris de mesures pour alerter les baigneurs du danger de la marée montante [7].

22-La Cour d’appel d’Angers avait à se prononcer sur la demande d’indemnité des parties civiles. Elle est repoussée sans surprise. En effet, les prévenus, agents publics, ne peuvent être responsables que de leur faute personnelle détachable du service. Les manquements qui leur sont reprochés ont été commis dans leur service, pendant leur temps de service et en rapport direct avec leur mission. Ils ne sont coupables ni d’actes de brutalité ni de maltraitance qui auraient été étrangers à leur fonction. Sans doute a-t-il été admis qu’une imprudence « peut constituer une faute personnelle détachable de la mission de service public si elle présente une gravité certaine » [8] ce qui serait le cas d’une faute caractérisée. Mais des fautes intentionnelles ont été considérées comme de simples fautes de service. Le tribunal des conflits a déjà eu l’occasion de juger qu’un agent du ministère de l’équipement coupable d’un faux en écriture public n’avait pas commis de faute personnelle détachable [9]. La chambre criminelle de la Cour de cassation s’est alignée sur cette position dans un récent arrêt rendu contre l’auteur d’un délit de non-assistance à personne en péril [10]. En l’occurrence, les fautes de surveillance reprochées aux prévenus ne constituaient que des fautes de service pour lesquelles ils bénéficient d’une immunité en qualité d’agents publics. Dans ce cas, c’est l’établissement hospitalier qui répondra du préjudice d’affection causé aux parents du jeune autiste et la demande d’indemnité devra être portée devant le juge administratif.

 

Jean-Pierre VIAL, Inspecteur Jeunesse et Sports

En savoir plus :

Jean-Pierre VIAL, Le contentieux des accidents sportifs – Responsabilité de l’organisateur, Collec. PUS, septembre 2010 : pour commander l’ouvrage

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Jean-Pierre Vial



Documents joints:

Tribunal Correctionnel de Tarascon, 27 avril 2010



Notes:

[1] Cass. crim., 29 avr. 2003, n° 01-88.592. Juris-Data n° 2003-019347

[2] Cass. crim., 5 avr. 2005, n° 04-85.503 ; 29 oct. 2002, Bull. crim. 2002, n° 196 ; 2 déc. 2003, n° 02-85.254. Bull. crim. 2003, n° 226
[3] Directeur d’un centre sportif (Cass. crim., 26 nov. 2002, n° 01-88.900) ; directeur d’un camp scout et organisateur d’un raid nautique (Cass. crim., 9 oct. 2001, n° 00-82.275) ; organisateur d’une chasse (Cass. crim., 8 mars 2005 et 14 déc. 2010, n° 10-80663), organisateurs d’une sortie en raquette (Cass. crim., 26 nov. 2002, n° 01-88.900. Bull. crim. 2002, n° 211) ; accompagnateur d’une sortie de voile (Cass. crim., 4 oct. 2005, n° 04-84.199), enseignant ayant laissé un élève reprendre sa voiture après un repas trop arrosé (Cass. Crim, 12 janv. 2010, n° 09-81.799, obs. Y. Mayaud, RSC 2010 p. 134)
[4] TGI Angers, 29 sept. 2010.
[5]  Y. Mayaud RSC 2003 p. 331.
[6] Lyon, 28 juin 2001. Note Y. Mayaud, RSC 2001 p. 804.
[7] Amiens, 9 mai 2000 Juris-data n° 2000-120566.
[8] Civ. 1, 21 oct.1997. Pourvoi n° 95-21. 583. Dr admin. 1998 n° 31.
[9] TC 19 oct. 1998, préfet du Tarn. D. 1999, p. 127.
[10] « La faute, quelle que soit sa gravité, commise par un agent du service public, dans l’exercice de ses fonctions et avec les moyens du service, n’est pas détachable de ses fonctions ». Crim. 30 nov. 2010. Pourvoi n° 10-80447.

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