Les grandes manœuvres ont d’ores et déjà commencé.

Le monde associatif est actuellement partagé entre faire le « gros dos » – en tentant de réaliser des économies – ou redéployer ses activités afin de générer de nouvelles ressources.

En notre qualité d’observateurs de la tendance associative, jamais nous n’avons connu une période de réflexion aussi intense menée à tous les étages au sein des ISBL : « Comment survivre et sauver nos emplois ? Comment continuer à se distinguer du mode d’intervention économique traditionnel et ainsi justifier nos avantages acquis ? Comment poursuivre le travail entrepris depuis des années en termes d’innovation sociale ? »

Incontestablement, l’inquiétude gagne les associations.

Mais plus que jamais, ces dernières ont conscience qu’elles ont une carte à jouer dans le contexte économique actuel. Le bénévolat (ressource non monétaire), l’interdiction de partage de bénéfices (qui oblige les associations à réinvestir dans l’œuvre commune), la plus-value sociale ajoutée qu’elles apportent à leurs interventions économiques (qui justifie leur non-assujettissement aux impôts commerciaux) sont autant d’avantages concurrentiels expliquant la bonne tenue des ISBL face au secteur commercial traditionnel.

Dans certains secteurs, la confrontation s’annonce toutefois rude. La concurrence devrait être frontale.

C’est pourquoi ISBL CONSULTANTS propose quelques pistes pour mieux résister à la crise:

1. Investir le champ économique

Plus que jamais, les associations doivent se vivre comme des opérateurs économiques (1). Elles doivent par conséquent abandonner toutes inhibitions au moment de s’engager dans des activités générant de la facturation (vente de biens ou prestations de services) (2). Néanmoins, le régime fiscal dont elles dépendent actuellement (3) oblige ces ISBL à doubler leurs prestations lucratives d’une plus-value sociale ajoutée les distinguant du mode d’intervention économique traditionnel. Pour cela, elles sont condamnées à innover continuellement en proposant prioritairement des services « qui tendent à satisfaire un besoin qui n’est pas pris en compte par le marché ou qui l’est de façon peu satisfaisante ». Elles doivent s’adresser à des personnes « justifiant l’octroi d’avantages particuliers au vue de leur situation économique et sociale » (chômeurs, personnes handicapées notamment, …) (4). Pratiquer « des prix susceptibles de faciliter l’accès du public à leurs services », qui sont modulés en fonction de la situation des clients ou homologués par une autorité publique (exemple : prix journée versé par la CAF). Enfin, elles devront s’abstenir de faire de la publicité commerciale et se contenter d’informer le public, notamment par le biais de leur site internet par exemple. Les excédents ainsi dégagés par ces ISBL ne feront pas l’objet d’une taxation dès lors qu’ils seront destinés « à faire face à des besoins ultérieurs ou à des projets entrant dans le champ de leur objet non lucratif » (5).

2. Diversifier ses ressources

En qualité d’opérateurs économiques, les associations se distinguent des entreprises lucratives traditionnelles (SARL, SA…) par leur capacité à mixer différentes formes de ressources :

  • Les ressources monétaires (voir infra) et non-monétaires (bénévolat) ;
  • Les ressources privées (voir infra) et publiques (subventions) ;
  • Les ressources privées lucratives (voir infra) et les ressources privées non lucratives (cotisations, mécénat, recettes tirées de la réalisation de six manifestations exceptionnelles…) ;
  • Les ressources lucratives assujetties (activités commerciales sous forme de vente de biens ou de prestations de services, sponsoring, buvette…) et non assujetties aux impôts commerciaux (activités économiques d’utilité sociale ou d’intérêt général).

Les associations doivent ainsi s’appuyer sur cette capacité qui s’offre à elles pour compenser d’éventuels manques à gagner. Pour cela, elles ne doivent pas hésiter à utiliser pleinement les leviers d’optimisation fiscale dont elles peuvent bénéficier (franchise commerciale de 60.000 €uros pour la réalisation d’activités lucratives accessoires (6) ; exonérations liées en application de l’article 261-7-1° a, b et c).

Bien entendu, les ISBL qui s’orienteront vers cette politique de mixité des ressources devront éviter les pièges du « tout lucratif » (c’est-à-dire éviter que les contraintes économiques et de gestion deviennent les seuls éléments de la prise de décision stratégique) et « surcompenser » en définissant clairement les valeurs auxquelles elles demeurent attachées (au besoin en adoptant une charte éthique ou en réaffirmant statutairement leur attachement à la Charte d’économie sociale et solidaire). Enfin, elles devront ménager leurs concurrents en évitant de s’exposer inutilement à une action en concurrence déloyale, au besoin en adaptant leurs statuts (7) ou en procédant par voie de restructuration interne (sectorisation comptable) voire même externe (filialisation).

3. Se restructurer en fonction de la typologie des activités menées

Afin d’optimiser son statut, l’association « mère » qui se caractérise le plus souvent par sa pluriactivité pourra externaliser un certain nombre de ses activités dans des structures « filiales » :

  • La création d’une filiale commerciale (sous forme d’EURL, de SARL ou de SA…) peut permettre de s’affranchir de la limite de 60.000 €uros (voir supra) voire même de l’exigence de non prépondérance fiscale en matière de réalisation d’activités lucratives (8) : dans ces conditions, l’association pourra exercer des activités lucratives sans aucune limite, via sa filiale commerciale, et ainsi bénéficier des remontées de dividendes. Certes, depuis la loi de finances 2010 qui consacre une taxation des dividendes au taux d’IS de 15% (pour les revenus perçus à compter de l’exercice clos au 31 décembre 2009), ce schéma de restructuration a perdu une partie de son attrait. Néanmoins, il s’agit encore d’une bonne occasion de faire de cette société commerciale filiale, un outil au service d’un organisme à but non lucratif (9) ;
  • La création d’un fonds de dotation constitue assurément la forme optimale pour procéder à la réalisation d’activités d’intérêt général (C. Amblard, L’intérêt pour les associations de créer un fonds de dotation, éditions Wolters Kluwer Lamy Associations Bulletin d’actualités n°181, avril 2010 ; C. Amblard, Fonds de dotation : une révolution au sein des ISBL, Editions Wolters-Kluwer, avril 2010, mon. 264 p.).

Certes, il a été vu supra que le volume de dons en matière de mécénat d’entreprises avait massivement diminué, mais le rapport ADMICAL 2010 relatif au mécénat d’entreprise précise par ailleurs que la proportion d’entreprises mécènes augmente sensiblement (+17 %) et surtout que le mécénat est devenu une pratique courante dans les grandes entreprises : 43 % des plus de 200 salariés sont mécènes, contre 26 % en 2008 ! Il y a donc fort à parier que cette diminution ainsi constatée soit essentiellement d’ordre conjoncturel. Les associations doivent donc s’organiser pour accueillir une prochaine embellie !

La restructuration pourra également avoir pour objectifs de se rapprocher d’autres ISBL en vue de réaliser des économies d’échelle (mutualisation des fonctions support) ou de répondre à la demande expresse d’une autorité de tutelle (fusion absorption).

Là encore, il s’agira de privilégier une appréhension plutôt positive de ce phénomène de regroupement des associations (10). Le secteur associatif pourrait ainsi ressortir grandi de cette crise économique par la construction de grands groupes associatifs, capables de créer encore plus d’emplois pérennes et de proposer une alternative crédible à l’entreprise capitalistique.

Colas AMBLARD

Directeur des publications

ISBL CONSULTANTSinterviendra lors du Colloque intitulé « Financer son projet associatif : les nouvelles règles du jeu » organisé à Niort le 07 décembre 2010 par la Région et la CPCA Poitou-Charentes, la MAIF en partenariat avec les Editions WOLTERS – KLUWER Lamy Associations.

Retrouvez le bulletin Lamy Associations de décembre 2010, n°188, concernant le colloque du 07 novembre 2010 : voir en ligne

En savoir plus :

Colloque « Financer son projet associatif : nouvelles règles du jeu », Niort, 07 décembre 2010 : voir en ligne

Atelier ISBL CONSULTANTS (en partenariat avec les éditions WOLTERS KLUWER LAMY ASSOCIATIONS) du 9/12/2010 à Lyon : « Restructuration et rapprochement des associations (aspects juridiques et fiscaux) » Intervenant : Colas AMBLARD, Avocat associé NPS consulting, Maître de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon III

Atelier ISBL CONSULTANTS (en partenariat avec les éditions WOLTERS KLUWER LAMY ASSOCIATIONS) du 17/12/2010 « Restructuration des associations (aspects sociaux) » Intervenant : Philippe RICHARD, Avocat associé, société d’avocats CAPSTAN, chargé d’enseignement à l’Université Jean Moulin Lyon III (Licence Pro Droit et gestion de l’entreprise associative)

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Notes:

[1] CJCE, 23 décembre 2009, affaire C-305/08 : Pour la Cour, la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil et notamment les dispositions de son article 1er, paragraphes 2, sous a), et 8, premier et deuxième alinéas, « qui se réfèrent à la notion d’opérateur économique, doivent être interprétées en ce sens qu’elles permettent la participation à un marché public de services à des entités ne poursuivant pas principalement un but lucratif, ne disposant pas de la structure organisationnelle d’une entreprise et n’assurant pas une présence régulière sur le marché, telles que les universités et les instituts de recherche ainsi que les groupements constitués par des universités et des administrations publiques »

[2] C. Amblard, L’entreprise associative : Guide juridique des activités économiques et commerciales des associations, Ed. Territorial, 2006 ; C. Amblard, Associations et activités économiques : contribution à la théorie du Tiers-secteur, Thèse de droit, 1998 ; sur la notion d’activité économique, voir C. Amblard, Activités économiques et commerciales des associations, Lamy Droit des associations, Etude 246

[3] Instruction fiscale BOI 4 H-5-06 du 18 décembre 2006

[4] L’instruction fiscale précitée précise toutefois que « ce critère ne doit pas s’entendre des seules situations de détresse physique ou morale »

[5] Instr. fisc. préc. paragr. n°67

[6] Instruc. fisc. préc. paragr. 134 et s.

[7] C. Amblard, Concurrence et paracommercialisme des associations : l’influence de la méthodologie fiscale, Lamy Associations, Bulletin actualités septembre 2008 n°163

[8] Instr. fisc. préc. paragr. 194

[9] Inst. fisc. préc. paragr. 253 et s.

[10] Colloque du Barreau de Lyon, Associations : quelles stratégies face aux crises, 24 septembre 2010 : Selon Viviane Tchernonog, CNRS / Université Panthéon – Sorbonne), 1 création d’association sur 5 est le fruit d’un regroupement

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