TEXTE DE LA QUESTION n° 24663, JOAN 27/08/2013 p. 9142.

M. Alain Tourret appelle l’attention de M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les difficultés qu’éprouvent les employeurs intéressés par le dispositif des «Emplois d’avenir» à recruter des jeunes titulaires d’un baccalauréat général, ce dernier étant assimilé à un niveau de qualification.

Le chômage des jeunes est un fléau de notre société, particulièrement pour ceux qui, même bacheliers, sont sortis du système éducatif sans qualification.

Le dispositif des Emplois d’avenir vise à répondre au double défi de l’emploi et de la qualification. Il concerne principalement des jeunes de 16 à 25 ans ayant un niveau de qualification inférieur au niveau IV (baccalauréat). Pour les jeunes résidant en zone urbaine sensible (ZUS.) ou en zone de revitalisation rurale (ZRR), le niveau de diplôme peut aller jusqu’au niveau bac+3, si la recherche d’emploi est supérieure à un an.

Ce dispositif clé de la politique de l’emploi du Gouvernement a fait l’objet d’une forte mobilisation des parlementaires et des services de l’État, qui ont multiplié les réunions d’information et fait la promotion des premières signatures de contrats.

Toutefois, force est de constater que le dispositif peine à trouver sa pleine mesure, ce qui peut contrarier l’objectif d’une inversion de la courbe du chômage avant la fin 2013.

L’exemple de la Basse-Normandie illustre ces difficultés. Après 6 mois de lancement, l’objectif de 1 731 contrats signés fin 2013 est loin d’être atteint : 400 contrats d’avenir ont été signés à ce jour. La raison le plus souvent évoquée par les différents acteurs du dispositif, employeurs, Pôle Emploi, missions locales, c’est la difficile adéquation entre les types d’emploi proposés et le niveau de qualification des jeunes. Si 18 000 jeunes Bas-Normands sont inscrits au chômage – dont 12 000 qui n’ont aucune activité – 25 % seulement sont sans diplôme.

Pour certains emplois – travail en espaces verts par exemple – la qualification peut s’acquérir via l’exercice professionnel et la formation obligatoire. Mais pour d’autres emplois, le niveau de formation de départ [généralement le baccalauréat] est un préalable. C’est le cas dans le secteur de l’animation sportive ou pour des interventions en milieu scolaire par exemple, où de nombreux besoins sont exprimés.

Considérer le baccalauréat général comme un diplôme qualifiant n’est-il pas, un critère particulièrement restrictif contrariant les objectifs affichés par le Gouvernement ?

Deux exemples rencontrés dans sa circonscription l’incitent à le penser. Une commune de 2 000 habitants emploie actuellement une jeune de 23 ans, dans le cadre d’un CAE, qui intervient à la garderie périscolaire et à la bibliothèque communale. Cela se passe pour le mieux. La commune a décidé de recruter un jeune dans le cadre d’un contrat d’avenir pour assister l’institutrice de CP à la rentrée 2013, dans une classe particulièrement chargée. Et pour favoriser l’insertion durable dans l’emploi de la jeune en CAE, elle souhaite pouvoir lui proposer ce contrat. Elle ne le peut pas car la jeune est titulaire d’un baccalauréat et n’habite, ni dans une ZUS, ni dans une ZRR. L’autre exemple concerne une association sportive qui souhaite proposer un contrat d’avenir à un jeune qui est entraîneur de hockey sur gazon en tant que bénévole. Elle ne peut pas car il est titulaire d’un baccalauréat.

L’association ne pourra pas recruter un autre jeune, compte-tenu de la spécificité du sport.

Pour ces deux jeunes, une opportunité d’emploi durable ne peut être satisfaite, ce qui est évidemment regrettable pour eux-mêmes avant tout, mais aussi pour les employeurs potentiels qui veulent privilégier des jeunes qu’ils connaissent et ont l’intention de les conserver au-delà du contrat d’avenir.

Au vu de ces deux exemples choisis parmi d’autres, ne peut-on pas autoriser des dérogations dans les cas suivants : – jeune titulaire d’un niveau IV déjà en emploi dans le cadre d’un contrat aidé, s’il y a engagement de l’employeur sur l’emploi durable au-delà du contrat d’avenir ; – jeune dont l’exercice de l’activité nécessite une qualification préalable (secteur de l’animation sportive…) ; – jeunes titulaires d’un baccalauréat général, celui-ci ne permettant pas l’accès direct à un emploi qualifié ?

Ouvrir ces possibilités, tout en gardant la priorité aux jeunes sans qualification, facilitera l’atteinte de l’objectif partagé par le Gouvernement et la représentation nationale : la diminution sensible du chômage des jeunes, drame pour nombre d’entre eux et cancer de notre société.

 

TEXTE DE LA REPONSE. Les emplois d’avenir sont conçus pour répondre aux difficultés rencontrées par les jeunes de 16 à 25 ans peu ou pas qualifiés (niveau inférieur au baccalauréat) ainsi que les jeunes reconnus travailleurs handicapés âgés de moins de 30 ans dans un contexte de chômage élevé.

Les jeunes sans diplôme et sans emploi sont tous éligibles aux emplois d’avenir quel que soit leur lieu de résidence, tout comme les jeunes titulaires d’un diplôme de niveau V (CAP ou BEP), sous condition de durée de recherche d’emploi.

De manière dérogatoire, les jeunes ayant atteint le premier cycle de l’enseignement supérieur peuvent être éligibles aux emplois d’avenir s’ils résident en zone urbaine sensible (ZUS), en zone de revitalisation rurale (ZRR) ou dans un territoire d’outre-mer.

En effet, bien que le chômage des jeunes ayant un niveau bac ou plus soit moindre que celui des jeunes peu ou pas qualifiés, le chômage des jeunes résidant en ZUS, ZRR ou dans un territoire d’outre-mer reste sensiblement plus élevé que la moyenne nationale (plus de 40 % pour les jeunes résidant en ZUS contre 25 % pour l’ensemble des jeunes au niveau national).

Les jeunes ayant un niveau de qualification égal ou supérieur au niveau IV, soit titulaires d’un baccalauréat jusqu’à bac + 3, ne peuvent en l’état actuel de la législation être éligibles à un emploi d’avenir en dehors des zones prioritaires (ZUS, ZRR, DOM).

Aucune dérogation n’est envisagée pour ces publics en dehors de ces territoires, afin de conserver l’ambition initiale du dispositif : apporter une première expérience professionnelle réussie et une qualification à des jeunes peu ou pas qualifiés.

Si le dispositif était ouvert plus largement aux emplois d’avenir, l’effet d’éviction des jeunes peu ou pas qualifiés serait immédiat.

Or, c’est la seule solution dont nous disposons pour ces jeunes, nous ne pouvons y renoncer.

Les employeurs ont ainsi le choix : soit de recruter une jeune qui ne dispose pas de toutes les compétences dont il a besoin au départ puis de le former et de l’accompagner pour qu’il les acquiert ; soit de recruter un jeune plus qualifié, si besoin sur un autre dispositif (contrat de génération, le cas échéant contrat d’accompagnement dans l’emploi).

Me J-Christophe Beckensteiner                     

Avocat spécialiste en droit du travail 

Associé – Cabinet Fidal, Lyon           

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