Forfait jours : le dispositif n’est pas remis en cause dans son principe, mais son effectivité est conditionnée par la Cour de cassation à l’application de garanties conventionnelles relatives au respect de durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires

Dans une décision qui était très attendue (Cass. soc., 29 juin 2011, n°09-71.107), la Cour de cassation a validé le principe des conventions de forfait en jours, en l’assortissant toutefois d’importantes garanties devant figurer dans l’accord collectif instaurant le dispositif.

La conclusion de conventions individuelles de forfait est subordonnée à la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

En application de ce dispositif, les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives (C. trav., art. L. 3121-48) :

  • à la durée légale hebdomadaire ;
  • à la durée quotidienne maximale de travail ;
  • aux durées hebdomadaires maximales de travail.

Visant un nombre important de textes nationaux et internationaux relatifs à la protection de la santé des travailleurs, la Chambre sociale soumet la validité des conventions de forfait en jours à un double contrôle judiciaire :

  • contrôle du contenu de l’accord, qui doit désormais impérativement contenir des dispositions assurant « la garantie du respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires » ;
  • contrôle de l’application individuelle de ces garanties conventionnelles à chacun des salariés concernés. A défaut, la sanction est lourde : la convention de forfait serait alors privée d’effet et le salarié pourrait prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge devra vérifier l’existence et le nombre, en principe dans la limite du délai de prescription de 5 ans (antérieurement : dommages et intérêts uniquement : Cass. soc., 10 janv. 2010, n°08-43.201).

La Cour de cassation réintroduit – de fait – le suivi et le contrôle de l’application du forfait jours qu’imposait la Loi du 19 janvier 2000 et dont les dispositions avaient été abrogées par la loi du 20 août 2008.

Doit-on désormais prévoir des durées maximales de travail ?

L’obligation, énoncée par la Cour, de faire figurer des stipulations assurant « la garantie du respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires » a une portée incertaine. Si, en effet, les salariés bénéficiaires d’une convention de forfait en jours sont, légalement, soumis aux repos journalier (11 h) et hebdomadaire (24+11 = 35 h), la référence à « des durées maximales de travail » est problématique, car ces salariés ne sont pas soumis, de par la Loi, au respect de durées légales maximales horaires quotidienne et hebdomadaire (C. trav., art. L. 3121-48).

Dès lors, l’arrêt vise-t-il, malgré la Loi, à imposer le respect de ces durées, auquel cas en pratique les salariés ne pourraient travailler plus de :

  • 10 heures par jour (C. trav. art. L. 3121-34) ;
  • et 48 h par semaine ou 44 h en moyenne, au cours d’une période quelconque de 12 semaines (C. trav. art. L. 3121-35 et L. 3121-36) ?

Les attendus de l’arrêt ne devraient conduire à retenir une telle portée. Plusieurs arguments vont en ce sens :

  • le dispositif des conventions de forfait en jours serait alors vidé en grande partie de sa substance ;
  • les dispositions légales excluant l’application de durées maximales ne sont pas expressément visées par l’arrêt, qui ne les condamne donc pas ;
  • l’accord collectif de branche étudié par la Cour (et dont elle a admis la validité) ne contenait aucune disposition à ce sujet.

En pratique, quelles sont les mesures à mettre en place ?

Dans un premier temps, Il convient de s’assurer que les accords d’entreprise ou d’établissement existant et autorisant le recours aux forfaits jours contiennent suffisamment de « mesures concrètes d’application des conventions de forfait en jours de nature à assurer le respect des règles impératives relatives à la durée du travail et aux temps de repos« .

Il pourra s’agir par exemple de l’existence d’un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. De même, il peut du suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail par la tenue d’un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité.

Dans un second temps, il convient de s’assurer que les conditions réelles de mise en œuvre des conventions de forfait jours « sur le terrain » respectent les garanties conventionnelles existantes.

Nul doute que la Cour de cassation aura très prochainement l’occasion de se prononcer à nouveau sur ce sujet et de préciser ainsi sa position pour clarifier définitivement ce débat.

Katia MONTMAYEUR, avocat, société d’avocats Capstan

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Documents joints:

Cass. soc. 29 juin 2011



Notes:

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