Le secteur associatif emploie plus d’un million de salariés dont 53% sont des CDI en équivalent temps plein[1]. Parallèlement, une nouvelle tendance se dessine dans le contexte de crise que nous vivons : le recours à la forme associative pour créer son propre emploi.  En réponse à la contraction du marché de l’emploi, la tentation est en effet forte de s’assurer soi-même d’un emploi pérenne. Les associations disposant d’une pleine capacité pour intervenir sur le secteur économique et le recours aux salariés constituant un mode de gestion usuel, ce statut juridique peut être préféré à celui de société commerciale jugée plus contraignante. Toutefois, il conviendra de tenir compte des contraintes juridiques et de l’impact fiscal que pourra avoir un tel projet.

Créer une association pour créer son emploi

Il est envisageable, par le biais de son association, de créer son propre emploi. Le fondateur accompagné d’un deuxième membre pourra ainsi y occuper une fonction salariée (directeur,, …) ou non (dirigeant). Dans cette dernière hypothèse, le fondateur pourra percevoir une rémunération au titre du mandat social ou des fonctions spécifiques exercées au profit de l’association (formateur, maître-nageur, …).

Le statut associatif est-il le plus adapté pour ce type de projet ?

Rien n’est moins sûr. En effet, il conviendra de tenir compte de deux types de contraintes :

Sur le plan juridique, tout d’abord, les fondateurs d’une association ne peuvent se répartir les excédents qu’elle réalise en raison du principe législatif d’interdiction de partage des bénéfices[2]. Par conséquent, ces derniers ne pourront à aucun moment s’approprier une part quelconque de l’actif de l’association. Toute démarche de patrimonialisation est par conséquent inenvisageable pour l’ « entrepreneur », qui ne pourra pas vendre à son profit le fonds de commerce « associatif » en cas de départ à la retraite notamment. De la même façon, les rémunérations devront être strictement la contrepartie d’une tâche de travail. A défaut, elles pourront être considérées comme la résultante d’un partage de bénéfices, ce qui exposerait l’association à un risque de requalification en société créée de fait. Les conséquences d’une telle requalification seraient désastreuses pour l’entrepreneur (responsabilité indéfinie et solidaire des membres, perte du droit à percevoir des subventions…).

Sur le plan fiscal, un tel projet peut avoir également des conséquences importantes : en effet, si l’association en sa qualité d’organisme sans but lucratif jouit par principe du régime de non-assujettissement aux impôts commerciaux (IS, TVA, CET), ce statut peut être remis en question dès lors que sa gestion est intéressée. Tel sera le cas lorsque le fondateur, salarié ou rémunéré au titre de fonctions spécifiques, est également dirigeant de l’association. Certes, il existe des tolérances administratives (inst. Fisc. BOI 4 H-5-08 du 15 sept. 1998) et légales (Loi de fin. pour 2002) offrant aux dirigeants la possibilité d’être rémunérés, sous certaines conditions : le respect de la limite de ¾ du SMIC brut mensuel pour toutes les associations et pour celles, répondant aux conditions de ressources, du seuil de trois fois le plafond de la sécurité sociale. Pour les grandes associations visées par la loi de finances 2002, il conviendra également de respecter des règles strictes en matière de transparence financière, de fonctionnement démocratique, de proportionnalité et de plafonnement des rémunérations.

Le respect de ces seuils et règles rendent difficiles, voire même quasi impossible, la poursuite d’un tel projet (création de son emploi sous la forme associative). En effet, en cas de dépassement desdits seuils et, pour les plus grandes associations, lorsque les rémunérations versées seront manifestement disproportionnées par rapport à la charge de travail réellement exercée par le dirigeant concerné, le statut fiscal de faveur pourra être remis en question.

Notion de dirigeant de fait

Pour le fondateur, le fait d’avoir recours à des dirigeants « de paille » ne peut constituer une réponse de nature à protéger l’association nouvellement créée du risque de remise en cause de son statut fiscal. En effet, l’instruction fiscale BOI 4 H-5-06 du 18 décembre 2006 prévoit que les règles en matière de gestion désintéressée s’appliquent aussi bien aux dirigeants de droit, c’est-à-dire ceux qui ont été élus, qu’aux dirigeants de fait. A ce titre, elle prend soin de préciser que ceux-ci s’apprécient « selon les mêmes critères qu’en matière de droit des sociétés ». Ils s’entendent « des personnes qui remplissent des fonctions normalement dévolues aux dirigeants de droit, qui exercent un contrôle effectif et constant de l’association et qui en définissent les orientations ». L’administration fiscale pourra démontrer l’existence d’une telle situation de gérance de fait par tous moyens (signature de chèques ou des procès-verbaux, libre disposition des comptes bancaires, embauche de personnel salarié…).

Quid de la situation du fondateur en cas de création d’une filiale ?

Les associations, peuvent, juridiquement, créer une filiale sous forme de société commerciale (SAS, SARL, SASU …) en vue d’externaliser leurs activités lucratives, lorsque ces dernières deviennent prépondérantes et, en tout état de cause, générèrent des recettes d’exploitation supérieures à 60.000 € HT par année civile. Cette opération de filialisation s’effectue par voie d’apport partiel d’actif, et peut être réalisée au profit d’une société nouvelle ou d’une société préexistante.

Sur le plan juridique, l’association devient alors actionnaire ou associé au sein de la société, filiale commerciale, et perçoit des dividendes en contrepartie des titres qu’elle y détient. Sur le plan fiscal, l’externalisation des activités lucratives permet aux associations d’éviter tout risque de fiscalisation de l’organisme. Seulement, la détention de titres d’une société commerciale peut avoir des conséquences sur son caractère non lucratif dans l’hypothèse d’une gestion active de la filiale par l’association-mère ou lorsque l’activité de gestion de titres n’aura pas fait l’objet d’une sectorisation comptable.

Quel pourra être la place de l’entrepreneur « associatif » dans un tel schéma ?

S’il demeure au sein de l’association mère, sa qualité de dirigeant de droit (ou de fait) pourra rejaillir sur le statut fiscal de cette dernière, à partir du moment où la rémunération qu’il perçoit ou tout autre avantage sont consentis par « l’une de ses filiales » (inst. Fisc. Préc. par. 21) sans respecter les conditions précédemment décrites. Il lui appartiendra par conséquent de basculer dans la filiale commerciale, si cela est économiquement envisageable, au risque de perdre définitivement l’influence qu’il exerce au sein de l’association détenant les titres de cette société. Une situation périlleuse et particulièrement inconfortable pour quelqu’un à l’origine du projet et qui souhaite en conserver la maîtrise.

 

Colas AMBLARD, Directeur des Publications ISBL CONSULTANTS

 

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Notes:

[1] Viviane TCHERNONOG, Les associations en France. Poids, profils et évolutions. Financements publics et privés, emploi salarié et travail bénévole, gouvernance, CNRS, novembre 2007.

[2] Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, article 1. Un groupement ayant pour but de se partager les bénéfices résultant de l’action commune doit revêtir la forme d’une société.

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