50 millions d’euros par an : voici un montant dont les associations pourraient bénéficier pour financer leurs activités. L’origine d’une telle somme ? Les conventions de revitalisation !

« De 2002 à 2014, 1.402 conventions de revitalisation ont été signées, représentant un total de 717 M€ de contributions d’entreprises. En moyenne, 100 à 120 conventions sont signées chaque année, pour une contribution d’environ 50 M€ et un objectif de création d’emplois se situant entre 10 000 et 12 000 emplois par an »1.

Près de 50 millions d’euros par an : une possible source de financement considérable pour les associations, et plus largement pour les organismes à but non lucratif !

Si important soit ce montant, il ne doit néanmoins pas masquer une réalité sociale et économique : la perte de nombreux emplois et la chute du dynamisme de tout un territoire.

Malgré tout, ne peut-on pas justement « profiter » de ces opportunités (financières) pour créer des emplois dans le cadre de la « nouvelle économie », celle que l’on qualifie généralement de sociale et solidaire ?

  • Qu’est-ce qu’une convention de revitalisation ?

Les conventions de revitalisation sont issues de l’article 118 de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, lequel fut modifié par l’article 76 de la loi n°2005-32 du 28 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

Régies à l’heure actuelle par les articles L. 1233-84 à L. 1233-90 et D. 1233-37 à D. 1233-48 du Code du travail, les conventions de revitalisation imposent en quelque sorte une responsabilité territoriale des entreprises.

En effet, lorsque les entreprises de plus de 1 000 salariés ou les entreprises d’au moins 50 salariés non soumises à l’obligation de proposer un congé de reclassement, procèdent à un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l’équilibre du ou des bassins d’emploi dans lesquels elles sont implantées, ces entreprises sont tenues de « contribuer à la création d’activités et au développement des emplois et d’atténuer les effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le ou les bassins d’emploi »2.

Les formes juridiques de cette contribution (subvention, prêt…) et son montant, au moins égal à deux fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé, sont déterminés dans la convention de revitalisation.

Cette convention, conclue entre l’entreprise et le préfet, a également pour objet de définir les actions éligibles à cette contribution. Ces actions doivent poursuivre trois objectifs complémentaires : la création d’activités, le développement d’emplois et l’atténuation des effets du licenciement sur les autres entreprises.

Au regard des pratiques suivies dans les différents départements, la circulaire du 12 juillet 2012 a dressé une typologie des actions susceptibles d’entrer dans le champ d’application des conventions de revitalisation. Sont notamment cités :

– les « actions pour la reconversion de site » : par exemple, l’accompagnement des repreneurs ;

– les « aides à l’emploi et au développement d’activités économiques » : par exemple, soutenir le développement d’activités existantes sur le territoire ; délivrer des aides directes à l’emploi local ;

– le « développement des compétences et valorisation des ressources humaines » : par exemple, soutenir la création et le développement des groupements d’employeurs (GE et GEIQ) ; développer les compétences des publics jugés prioritaires sur le territoire (actions de formation…) ;

– le « soutien à l’insertion par l’activité économique et à l’économie sociale et solidaire du territoire » : par exemple, soutenir le développement de l’emploi dans l’économie sociale et solidaire locale.

Quoiqu’il en soit, ces conventions ont une portée territoriale limitée aux bassins d’emploi concernés par les licenciements. La contribution des entreprises ne doit être dirigée qu’à l’égard des activités ou des emplois principalement situés à l’intérieur du territoire d’implantation de celles-ci.

  • Pourquoi les associations sont par principe éligibles aux financements des conventions de revitalisation

Au regard du champ d’application de l’article L. 1233-84 du Code du travail, le législateur ne fait pas de distinction selon la nature juridique de l’employeur ou du porteur de projet d’activités. Peu lui importe au final que l’activité soit exercée par une entreprise ou une association : il suffit que l’activité soit créatrice d’emplois.

La circulaire du 12 juillet 2012(3) confirme cette analyse lorsqu’elle évoque de manière générale le « soutien d’actions structurantes, créatrices d’activités et d’emplois » et donne pour exemple d’actions les « aides à l’emploi et au développement d’activités économiques ».

Or, pourquoi les associations ne bénéficient-elles pas, au même titre que les entreprises traditionnelles, de ces mesures de financement ?

Car les services de préfecture ont encore trop souvent une vision passéiste de la notion d’activités économiques !

Ils estiment à tort que ces activités peuvent seulement être exercées par des entreprises poursuivant un but lucratif.

Ils doivent en réalité dépasser la distinction anachronique entre, d’un côté, les associations relevant a priori du secteur non marchand et, de l’autre côté, les entreprises relevant a priori du secteur marchand : les deux exercent des activités économiques.

La notion d’activités économiques ne recouvre pas uniquement les activités commerciales : elle intéresse également les activités civiles et les activités qualifiées de « sociales ». Sur ce dernier point, la jurisprudence estime de manière constante que les activités de prestations de services, relevant du secteur social, effectuées moyennant le versement d’une rémunération, sont des activités économiques4.

Par ailleurs, les pouvoirs publics n’hésitent plus à l’heure actuelle à brouiller les secteurs et leurs logiques : par l’intermédiaire des contrats à impact social, des investisseurs privés pourront à l’avenir financer des actions sociales innovantes. Il serait malaisé de nier ici l’objectif économique, si ce n’est lucratif, d’une telle démarche des investisseurs privés5.

La position des services de préfecture n’est toujours pas justifiée si l’on met en parallèle les associations et les entreprises solidaires d’utilité sociale (entreprises pouvant être des sociétés commerciales).

Au regard de la circulaire du 12 juillet 2012, les entreprises solidaires d’utilité sociale pourraient a priori bénéficier des financements des conventions de revitalisation puisque celle-ci mentionne, parmi la typologie des actions, le « soutien […] à l’économie sociale et solidaire du territoire ».

Or, existe-t-il une différence de nature entre une entreprise solidaire d’utilité sociale et une association qui exerce une activité économique ?

Il ne s’agit en fait que d’une différence de degrés puisque toutes les deux poursuivent un but autre que le partage des bénéfices6. Au surplus, les principes de gestion des entreprises relevant du secteur de l’Économie sociale et solidaire se rapprochent, à n’en pas douter, du principe de propriété impartageable des bénéfices appliqué aux associations. A titre d’illustration, les entreprises du secteur de l’Économie sociale et solidaire doivent consacrer la majorité de leurs bénéfices au maintien et au développement de leur activité et leurs réserves obligatoires sont impartageables7.
 

  • Plaidoyer pour l’attribution des financements des conventions de revitalisation aux associations : une opportunité pour un changement de paradigme économique ?

Tout d’abord, des données statistiques doivent être mentionnées :

– en 2013, les salariés employés par les associations représentaient près de 8,20 % de l’emploi salarié national (10,50 % si l’on prend en compte les coopératives, mutuelles et fondations)8 ;

– en 2012, les associations ont contribué pour leur part à hauteur de 3,20 % au PIB9 et l’économie sociale et solidaire à hauteur de 6 % du PIB10.

Si le poids des associations dans l’économie est incontestable, il est légitime de se poser la question suivante : pourquoi choisir les associations plutôt que les entreprises ? Quels sont leurs atouts ?

Pour pouvoir y répondre, il faut au préalable noter que toute la philosophie des conventions de revitalisation repose sur la capacité des projets financés à créer des emplois pérennes. La pérennité des emplois semble être la condition implicite de l’octroi des financements.

Or, cette pérennité se retrouve-t-elle nécessairement au sein des entreprises traditionnelles ? On peut en douter dès lors que les financeurs sont justement ceux qui ont procédé aux licenciements collectifs.

A l’inverse et contrairement à ces entreprises, les associations possèdent deux atouts permettant d’assurer la pérennité des emplois et, à ce titre, de bénéficier des financements des conventions de revitalisation.

Le premier atout concerne le principe fondamental de gestion des associations : la poursuite d’un but non lucratif. Ce principe est l’un des gages les plus crédibles de la pérennité des emplois puisque les bénéfices des activités lucratives ou non lucratives ne sont pas partagés entre les membres fondateurs, mais sont nécessairement affectés à « l’objectif de maintien ou de développement de l’activité de l’entreprise »11.

Le second atout est cette fois-ci lié à la nature même des emplois proposés par les associations, à savoir leur caractère non délocalisable. C’est par exemple le cas des activités de services à la personne.

Les conventions de revitalisation s’ouvrent progressivement aux acteurs de l’économie sociale.

À titre d’exemple, la société Pfizer, dans le cadre de sa convention de revitalisation, a apporté son soutien financier à des équipes créant des postes administratifs au sein de divers maisons et pôles de Santé des Fédérations régionales des maisons et pôles de santé et de Facilimed12.

En définitive, la convention de revitalisation pourrait, à l’avenir, devenir un outil clé pour un changement de paradigme économique.

Colas AMBLARD, Directeur des Publications et Florian Bocquet Cabinet NPS CONSULTING

En savoir plus:

Colas AMBLARD, Les contrats à impact social : pour un véritable contrat « triple gagnant », éditorial ISBL CONSULTANTS mai 2016

Circulaire du 12 juillet 2012 relative à la mise en œuvre de l’obligation de revitalisation instituée à l’article L. 1233-84 du Code du travail (NOR : ETSD1229581C)

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Documents joints:

Publication DILA - TRE_20120008_0110_0004

Notes:

1 Cour des comptes, Bilan des conventions de revitalisation, déc. 2015 ; 2 Code du travail, art. L. 1233-84 ; 3 Circulaire du 12 juillet 2012 relative à la mise en œuvre de l’obligation de revitalisation instituée à l’article L. 1233-84 du Code du travail (NOR : ETSD1229581C) ; 4 Cass. soc., 27 sept. 1989, n°86-45.103 ;

5 Les contrats à impact social : pour un véritable contrat « triple gagnant », éditorial ISBL CONSULTANTS mai 2016

6 Loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, art. 1, I, 1° ; Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, art. 1 ; 7 Loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, art. 1, I, 3°, a et b ; 8 Insee, Poids de l’effectif salarié de l’économie sociale dans l’ensemble de l’économie, par famille de l’économie sociale et par secteur d’activité, 2013 ; 9 V. Tchernonog, Le paysage associatif français – mesures et évolutions, 2e éd., Dalloz Juris éditions, 2013 ; 10 ONESS, Panorama de l’économie sociale et solidaire en France, éd. 2015 ; 11 Loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, art. 1, I, 3°, a ; 12 Communiqué de presse, Signature d’une convention de revitalisation entre Pfizer et la FFMPS, 11 janv. 2016.  

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