Dans son arrêt du 13 février 2013, le Conseil d’Etat a considéré qu’un club de plongée sous forme associative devait être fiscalisé pour avoir proposé ses prestations à des vacanciers. L’argument principal avancé par la juridiction suprême administrative repose sur une appréciation extrêmement large de la notion de zone de concurrence. Cette décision constitue une mauvaise nouvelle pour les clubs de sport, et l’ensemble des associations proposant des biens et des services à la vente, dans la mesure où la jurisprudence semble désormais privilégier le critère de concurrence potentiel entre opérateurs économiques.

Rappel du régime fiscal applicable aux associations

Outre le critère de la gestion désintéressée (1ère étape d’analyse), il convient de procéder à une analyse de la situation de concurrence (2ème étape d’analyse) dans laquelle se trouve l’association prestataire de services ou de biens pour évaluer le risque de fiscalisation de cette dernière.

En d’autres termes, une association concurrençait une entreprise – et partant risquait d’être assujettie aux impôts commerciaux (sous réserve de l’application de la règle des 4 « P ») – dès lors que les services qu’elle rendait étaient « offerts en concurrence dans la même zone géographique d’attraction que ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ». Cette formulation était retenue dans toutes les décisions rendues à partir de l’arrêt Jeune France rendu en date du 1er octobre 1999[1]. Par la suite, c’est d’ailleurs l’approche qu’avait privilégiée l’instruction fiscale du 18 décembre 2006[2] relative au régime fiscal applicable aux organismes sans but lucratif.

De cette définition jurisprudentielle, il ressortait que seule une situation objective de concurrence appréciée à un niveau fin d’analyse devait être prise en considération : le consommateur devait véritablement avoir le choix, pour se procurer un bien ou un service, de s’adresser à une association ou à une entreprise. L’étendue du périmètre du marché pouvait donc différer selon la nature de l’activité et l’indication dans ses statuts de la zone géographique couverte par l’association, mais l’analyse était conduite en retenant des critères permettant au consommateur de bénéficier de la prestation offerte dans une même zone géographique d’attraction commerciale.

Jusqu’à présent, cette référence à une situation de concurrence réelle, c’est-à-dire relativement circonscrite, était donc particulièrement favorable au secteur associatif.

 

L’arrêt du Conseil d’Etat du 13 février 2013 constitue-t-il un revirement de jurisprudence préjudiciable aux associations sportives ?

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a considéré que le club de plongée des Carentec devait être fiscalisé, ce que contesta immédiatement l’association sportive.

C’est ce que vient de confirmer le Conseil d’Etat à l’occasion de la décision rendue le 13 février 2013. En l’espèce, la Cour suprême administrative a considéré que l’association proposait ses services à des vacanciers dans des conditions tout à fait comparables à ce que propose le secteur marchand.

Si cette décision interpelle, ce n’est pas tant que le juge n’a pas procédé à une analyse in concreto de la situation de concurrence eu égard aux critères retenus (prestations, prix), mais parce que l’appréciation de la zone géographique est particulièrement étendue. En effet, l’importance de l’étendue de cette zone géographique – en l’espèce, l’ensemble des côtes bretonnes – laisse penser que le juge de l’impôt s’appuie désormais sur la notion de concurrence potentielle, à l’instar de l’approche habituellement retenue en droit communautaire.

Cette décision demande donc confirmation, mais il est vrai si tel était le cas, le fait d’élargir l’appréciation de la zone de concurrence augmente considérablement le risque de fiscalisation des clubs sportifs, et plus généralement de l’ensemble des associations et autres organismes sans but lucratif (fondations et fonds de dotation).

Pour se départager de l’offre proposée par le secteur marchand, ces organismes devront par conséquent redoubler d’efforts afin de démontrer leurs spécificités en application de la règle des « 4 P » (3ème étape d’analyse) : c’est-à-dire au regard du produit proposé et du public bénéficiaire (critères d’utilité sociale), mais également du prix pratiqué[3] et de la publicité.

 

Colas AMBLARD  Directeur des Publications

 

 

 

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Documents joints:

CE 1 oct. 1999 n°170289
CE 13/02/2013, 342953



Notes:

[1] CE 1 oct. 1999 n°170289 : RJF 11/99 n°1354

[2] BOI 4 H-5-06

[3] L’instruction fiscale de 2006 précitée précise que les prix pratiqués doivent être « nettement inférieurs à ceux du marché. »

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