1. La problématique posée par la Circulaire « Fillon » n’est pas uniquement technique : elle est politique !

Pour les partisans de cette circulaire « Fillon » du 18 janvier 2010, les objectifs poursuivis consistent principalement à réhabiliter la subvention comme mode de soutien légitime à l’initiative associative, à adapter la procédure d’octroi de subventions aux contraintes communautaires et à éviter le recours systématique des collectivités territoriales aux procédures de mise en concurrence et d’appel à projets ; pour les autres, ce texte administratif fait une part (trop) belle à la notion de libre concurrence, certes, consacrée en droit communautaire, mais dont la transposition dans le secteur associatif ne va pas de soi. Ces derniers regrettent que l’intégration de cette « norme », présentée comme le nouveau référentiel soi-disant incontournable du bon fonctionnement associatif, soit rendue possible par la consécration d’une vision extensive de la notion d’activité économique. Pour eux, le présupposé juridique consistant à dire (et à penser) que toute « association sans but lucratif exerçant une activité économique d’intérêt général sollicitant un concours financier sera qualifiée d’entreprise » leur apparaît inacceptable sur un plan politique. D’autant plus qu’il est précisé que « cette notion d’activité économique recouvre, quel que soit le secteur d’activité, toute offre de bien et de services sur un marché donné » (1). Tout comme est inacceptable, pour bon nombre d’associations, le glissement sémantique de la notion de subvention à celle de « compensation de service public » (2) intervenu à l’occasion de la publication de ce texte administratif.

Ainsi, on le voit, le débat principal ne porte pas uniquement sur l’intérêt de percevoir une subvention ou l’analyse d’un rapport prétendument « gagnant – gagnant » entre associations et collectivités territoriales – personne ne le conteste – mais sur l’importance du rôle que l’on souhaite conférer à l’ensemble du monde associatif dans les années à venir (3).

En vue des échéances à venir, il n’apparaît pas encore trop tard pour que les instances représentatives du monde associatif en prennent réellement conscience.

2. Qui pour négocier pour le compte du secteur associatif ?

En réalité, il s’avère que c’est la représentation du monde associatif qui fait débat.

Suite à la deuxième Conférence de la Vie Associative (CAS), la « faiblesse de la situation actuelle » a d’ailleurs été pointée du doigt par le Conseil d’analyse stratégique présidé par Luc Ferry : dans son rapport rendu public en septembre 2010 sur la représentation des associations dans le dialogue civil, le CAS précisait que la transformation récente du CNVA en Haut conseil, appelé à de nouvelles fonctions, « laissera totalement la représentation de la vie associative au niveau des fédérations ou des coordinations, en particulier de la CPCA » (4). Or, plus de 40% des associations n’appartiennent à aucun réseau : le risque est donc réel qu’une grande partie du secteur associatif ne se sente pas ou mal représentée.

Dans son mode d’emploi de la Convention pluriannuelle d’objectifs (CPO) de mars 2011, la CPCA précisément reconnaît que le modèle proposé par la Circulaire « Fillon » comporte de nombreux points d’insatisfaction et demeure complexe. Pour autant, elle continue à inciter les acteurs à l’appliquer, ce qui apparaît difficilement compréhensible au regard des principaux objectifs affichés par la Circulaire (clarifier et sécuriser le cadre juridique des relations financières entre les pouvoirs publics et les associations – simplifier les démarches).

3. Rappel des engagements pris lors du Centenaire de la loi 1901 entre l’État et le secteur associatif : que fait la CPCA ?

Le 1er juillet 2001, un siècle après le vote de la loi de 1901 qui a instauré la liberté d’association, l’État et la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) décidaient par la signature de la Charte d’engagements réciproques de reconnaître le rôle fondamental de la vie associative dans notre pays et ainsi d’intensifier leur coopération mutuelle. Ce texte fondamental porte la signature de quatorze ministres, dont le Premier, et celle de quatorze responsables de coordinations associatives.

Pour l’essentiel, ces engagements réciproques avaient pour objectifs affichés :

  • « D’approfondir la vie démocratique et le dialogue civique et social en vue d’une participation accrue, libre et active des femmes et des hommes vivant dans notre pays, tant aux projets conçus par les associations qu’aux politiques publiques conduites par L’État ;
  • De concourir dans un but autre que le partage des bénéfices à la création de richesses, qu’elles soient sociales, culturelles ou économiques, afin que l’économie de marché ne dégénère pas en une société de marché mais puisse, au contraire, permettre l’affirmation d’une plus grande solidarité. »

Or, on le voit, la concordance entre les engagements pris par l’État lors du Bicentenaire de la loi 1901 et les avancées obtenues par les représentants du secteur associatif (5), à l’occasion de la publication de la Circulaire « Fillon », n’apparaît pas aussi clairement que certains voudraient bien nous le faire croire…

4. La révision de l’encadrement des SIEG : la fin de la Circulaire Fillon ?

« Dans la pratique, la grande majorité des activités exercées par les associations peuvent être considérées comme des activités économiques, de sorte que les aides publiques qui y sont apportées doivent respecter la réglementation européenne sur les aides d’État. » (6) C’est dans ces termes que la Circulaire Fillon rappelait les règles encadrant les relations financières des collectivités publiques avec les associations (Annexe I).

Dans un communiqué de presse du 23 mars 2011, la Commission européenne vient d’annoncer une réforme des règles en matière d’aides d’État applicables aux SIEG. Le réexamen du paquet SIEG doit être clôturé en novembre 2011.

Pour l’essentiel, il ressort que les consultations menées auprès des Etats membres montrent la nécessité d’élaborer des outils plus clairs, plus simples et mieux proportionnés.

Pour atteindre ces objectifs, la Commission envisage :

  • « D’apporter des précisions sur plusieurs notions clés, comme par exemple, la distinction opérée par le traité et la jurisprudence entre les activités économiques et non économiques ou les limites imposées aux États membres lorsqu’il s’agit de qualifier une activité de SIEG » ;
  • « D’adopter une approche plus diversifiée et proportionnée à l’égard de différents types de services publics : à cet effet, elle pourrait notamment simplifier l’application des règles pour certains types de services publics de petite envergure, fourni à l’échelon local et ayant un impact limité sur les échanges entre États membres, ainsi que pour certains services sociaux (…) ».

De son côté, le projet de rapport De Rossa concernant l’avenir des services sociaux d’intérêt général du 23 janvier 2010 avait déjà clairement exprimé le rôle social que devait dorénavant jouer les SSIG : les services sociaux d’intérêt général (SSIG) constituent une sous catégorie des services d’intérêt général (SIG), et sont parfois considérés à tord comme des services économiques dans les interprétations en vigueur. Les SSIG et leurs utilisateurs présentent certaines caractéristiques spécifiques en plus de celles qu’ils partagent avec les SIG.

La Circulaire Fillon a donc vécue ! De sorte que le modèle de CPO deviendra ipso facto obsolète dans les tous prochains mois.

Une bonne nouvelle pour le secteur associatif et du pain sur la planche pour ses instances représentatives en vue des échéances à venir…

Colas AMBLARD

Directeur des publications ISBL consultants

Le précédent éditorial d’ISBL CONSULTANTS a fait l’objet d’une publication dans le Bulletin Actualité LAMY ASSOCIATIONS, n°191, mars 2011 : voir en ligne

En savoir plus :

Formation : La circulaire « Fillon » du 18 janvier 2010 et son application Formation atelier-débat ISBL CONSULTANTS du 12 mai 2011 à Lyon : inscrivez-vous

 

 

 

 

[1] La Circulaire précise même que « le fait que l’activité concernée puisse être de nature  » sociale  » n’est pas en soi suffisant pour faire exception à la qualification d’activité économique au sens du droit des aides d’État ».

[2] Au-delà des règles de « minimis » de 200 000 € sur 3 ans

[3] A ce propos, la FONDA lance un grand débat sur les grandes orientations du secteur associatif à l’horizon 2010. Le questionnaire est disponible sur http://www.modalisa.com/ad-fonda/. L’ensemble des données recueillies est/sera consultable sur le site du projet (http://www.faireensemble2020.fr/) et les analyses seront mises en débat au cours d’une Université d’automne, fin 2011à Paris

[4] Rapport CAS, La représentation des associations dans le dialogue civil, sept. 2010, p. 2

[5] C. Amblard, Célébration du Centenaire de la Loi 1901 : Les engagements réciproques État – Associations : 10 ans après, à paraître in Rev. Associations Mode d’Emploi, juin 2011

[6] Régime défini par les articles 86 à 88 du Traité instituant la Communauté européenne, complété et interprété par l’arrêt de la CJCE « Altmark » du 24 juillet 2003 et par la paquet « Monti-Kroes » du 28 novembre 2005

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