La solution d’un procès en responsabilité tient parfois à un fil !  En l’occurrence c’est l’appréciation de la dangerosité d’un virage sur un parcours de VTT et  sa signalisation qui ont été déterminants. Les premiers juges avaient estimé que celle mise en place par l’organisateur était insuffisante compte tenu de la raideur de la pente et de son manque de visibilité  sur le lieu de l’accident. Dans son arrêt du 3 novembre 2014, la cour d’appel de Paris est d’un avis contraire …

1-Sport plébiscité par les amoureux de la pleine nature, le VTT se pratique habituellement en terrain accidenté, ce qui augmente le risque de chute et de contentieux ! (cf notre commentaire du 25 avril 2013) . En l’occurrence un vététiste fait une chute dans un virage lors d’une manifestation ouverte aux amateurs de ce sport. Le tribunal de grande instance de Sens a retenu la responsabilité de l’organisateur estimant que la flèche fluorescente tracée au sol en amont du virage ne suffisait pas à signaler le danger en raison de la pente et d’une visibilité insuffisante.

 2-La cour d’appel est d’un avis contraire, mais sa motivation qui reprend à son compte les conclusions de l’organisateur pose question. Elle affirme, en effet, que « l’association n’a pas organisé une manifestation sportive ». Il ne s’agissait que d’une randonnée cycliste ouverte à tous, sans objectif de compétition et sans classement. Les juges en concluent que l’organisateur « n’était donc tenu qu’à une obligation de moyens concernant la sécurité des participants à cette activité de loisirs ». Cette phrase est ambiguë. Faut-il comprendre que s’il s’était agi d’une compétition, l’organisateur aurait été assujetti à une obligation de résultat et tenu à réparation, même en l’absence de faute de sa part ? Si on prend cet attendu à la lettre, c’est la solution qui s’impose. Or, il n’a jamais été dit qu’un organisateur de compétitions soit tenu d’une responsabilité objective comme les parents pour leurs enfants mineurs. Au mieux, son obligation de sécurité est alourdie car les compétiteurs prennent des risques et se trouvent de ce fait plus exposés au danger. C’est le cas, également, pour les organisateurs de manifestations de loisirs « lorsque l’activité pratiquée présente des risques particuliers » comme le souligne, d’ailleurs, la cour d’appel. L’intensité de l’obligation de sécurité atteint son paroxysme lorsque la manifestation s’adresse à tout public et que l’activité n’est pas dépourvue de danger. C’était le cas, en l’espèce, puisque la manifestation était ouverte aux pratiquants « sans limite d’âge » et donc aussi bien à des débutants qu’à des sportifs aguerris et pratiquée sur un terrain accidenté. La cour d’appel n’exclut d’ailleurs pas que cette manifestation ait pu présenter « des dangers particuliers » nécessitant des mesures de sécurité appropriées comme la mise en place d’une signalisation adaptée  aux endroits les plus exposés du parcours. Mais elle ajoute immédiatement que l’obligation de sécurité « doit cependant être appréciée au regard du degré d’autonomie des participants et du rôle plus ou moins actif que requiert l’activité organisée ». La remarque  n’est pas concluante. Il est clair que tout participant à une  randonnée en VTT est autonome et doit en permanence maitriser la conduite de son engin. Ce n’est donc pas en considération du degré d’autonomie du pratiquant qu’est évalué le degré d’intensité de l’obligation de moyen de l’organisateur, mais principalement au regard de la configuration du terrain au lieu de l’accident et en considération de son niveau de pratique. A cet égard, l’arrêt  relève que  la victime « était un ‘vététiste’ averti qui  ne pouvait ignorer que, lors d’une descente et quelle que soit sa déclivité, un obstacle peut surgir et qu’il convient donc de freiner ». Encore fallait-il que l’obstacle soit visible ! Or, sur ce sujet, les juges sont en désaccord  puisque le jugement conclut à une visibilité insuffisante alors que l’arrêt remarque que « l’amorce du virage était ‘bien visible’ à 50 mètres ».  En outre, leur analyse diverge sur la nature de la signalisation. Le tribunal considère qu’une simple flèche posée au sol était insuffisante à signaler le danger alors que la cour d’appel estime, au contraire, que le chemin à l’endroit de l’accident n’était pas suffisamment raide pour justifier la mise en place d’une signalisation spécifique.

3-Il aurait été intéressant de connaître la position de  la cour d’appel si la victime avait été  un débutant. Les circonstances de l’espèce telles qu’elles sont rapportées par l’arrêt incitent à penser que la solution du procès aurait été semblable. En effet, les juges imputent la cause génératrice de l’accident à l’inattention de la victime. Celle-ci objectait avoir eu l’attention attirée par la présence de cailloux sur le chemin, mais il lui est habilement répliqué  que ce chemin caillouteux aurait dû l’inciter à freiner, qu’elle pouvait éviter ces cailloux en roulant sur la partie herbeuse et que le virage litigieux était suffisamment visible à l’avance.

Jean-Pierre VIAL, Inspecteur Jeunesse et Sports

En savoir plus : 

 

Jean-Pierre VIAL, « Le risque pénal dans le sport« , coll. « Lamy Axe Droit », novembre 2012

Cour d’Appel de Paris, 3 novembre 2014

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Jean-Pierre Vial



Documents joints:

Cour  d’Appel de Paris 3 novembre 2014



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