L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux ( 9 novembre 2015 N° 14BX03697 ) s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence solidement établie sur la responsabilité des communes dans les accidents de bains survenus sur des plages non surveillées.  Lorsque celles-ci sont  habituellement fréquentées, les communes ont l’obligation de signaler les dangers contre lesquels les baigneurs n’ont pas les moyens de se prémunir. Pour l’avoir négligé, une commune de Guadeloupe a été condamnée à indemniser la victime d’un accident de bain.

1-Projeté violemment  au sol par une vague à l’instant où elle se brisait, un baigneur est victime de tétraplégie. Le jugement ayant rejeté sa demande d’indemnisation est réformé en appel.
2-La commune  de Deshaie n’en est pas à sa première condamnation ! Il lui est une nouvelle fois reproché un défaut de signalisation des dangers de sa baignade à la suite d’un accident survenu dans des circonstances analogues. Un baigneur avait déjà été gravement blessé par un fort rouleau en bordure de l’eau qui lui avait causé une fracture cervicale. En l’occurrence, le Conseil d’Etat avait relevé que cette commune n’avait pas signalé ce danger, à l’époque des faits, par des moyens appropriés[1]. Dans la présente espèce, c’est une nouvelle fois la signalisation qui est en question. Mais cette fois ci, ce n’est pas le défaut de signalement du danger que les juges reprochent à la commune mais son imprécision sur sa nature. Les baigneurs, alertés sur la dangerosité des lieux, n’étaient pas avertis du risque constitué par la formation de brisants de rivage lorsque la mer est houleuse.
3-Cet arrêt applique des principes aujourd’hui solidement établis en matière de police des baignades. Lorsque la baignade n’est pas surveillée mais fréquentée, « aux risques et périls des baigneurs », selon la formule consacrée, la commune n’en est pas moins tenue d’informer les usagers des dangers[2]. Ce devoir d’information est subordonné à une double condition. D’une part,  la baignade doit faire l’objet d’une fréquentation régulière et importante. D’autre part, le danger doit excéder ceux contre lesquels les usagers doivent normalement se prémunir[3]. La cour administrative d’appel se borne à relever l’existence de la première condition sans donner d’indications sur le volume et la fréquence des baignades. En revanche, elle précise les raisons pour lesquelles elle considère que la seconde condition n’est pas remplie.  Une signalisation a bien été mise en place, mais elle ne fournit aucun renseignement sur la nature du péril. C’est là que le bât blesse ! Cette seule indication ne permettait pas aux baigneurs d’identifier le danger et de prendre les précautions appropriées pour s’y soustraire.
4-Ce n’est pas la première fois que le juge administratif doit se prononcer sur des informations incomplètes. A plusieurs reprises, il a été reproché à des communes de s’être bornées à signaler l’absence de surveillance de la baignade sans alerter les baigneurs sur l’existence d’un danger. Ainsi, un panneau implanté aux abords d’un plan d’eau mentionnait « baignade non surveillée » sans indiquer une dépression située à 60 m de la rive[4]. Un autre comportait la même indication sans signaler la présence de coquilles de moules d’eau douce à l’origine de la blessure d’un baigneur[5].
5- L’accident de la commune de Deshaie n’est pas isolé. Il y a eu des précédents. Ainsi, une commune avait fait apposer un panneau sur le chemin d’accès à la plage avec l’indication « baignades dangereuses – courants violents » sans mentionner l’existence de sables mouvants[6]. Dans la présente espèce, les baigneurs étaient avertis de la dangerosité de la baignade mais n’avaient pas été alertés sur celui des brisants de rivage. La décision de retenir la responsabilité de la commune est donc sans surprise. On s’interrogera toutefois sur le comportement de la victime dont les juges nous disent de façon très lapidaire qu’elle n’a commis aucune imprudence. Le lecteur reste un peu « sur sa faim ».  Le juge administratif est d’ordinaire plus prolixe sur ce sujet. Il est dans ses habitudes de dénicher la moindre faute d’imprudence de la victime, de sorte que de nombreuses décisions se concluent par un partage de responsabilité allégeant d’autant la responsabilité de la commune. Sans doute faut-il y voir la volonté du juge de ne pas faire supporter exagérément aux contribuables la dette de réparation de la commune !
6-Il eut été utile de savoir si la victime était un habitué des lieux où s’y rendait pour la première fois. La connaissance de l’endroit  de l’accident[7] est, en effet, un critère classique que les juges ne manquent pas de relever pour écarter ou diminuer la responsabilité des communes spécialement lorsque d’autres accidents du même type se sont déjà produits au cours de la saison. En l’occurrence, si l’arrêt ne fait aucune allusion à une imprudence c’est sans doute qu’il s’agissait d’un de ces nombreux touristes qui viennent en séjour dans les Caraïbes pour le seul plaisir de baignades dans des mers chaudes perdant de vue leur dangerosité surtout lorsqu’elles ne sont pas surveillées.
 
 
Jean-Pierre VIAL, Inspecteur Jeunesse et Sports
 
 

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Jean-Pierre Vial





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