La Cour de cassation dans une décision en date du 4 avril 2006 nous livre un exemple d’abus de majorité, notion nouvelle en droit des associations. Une cause de nullité des décisions prises en assemblées générales qui devrait intéresser bon nombre de groupements associatifs

Les faits sont les suivants : Les Galeries Lafayette, propriétaires du centre, donnaient à bail des emplacements qu’elles n’occupaient pas elles-même. De façon classique, tous les commerçants du site étaient tenus d’adhérer à une association. Les cotisations statutaires des locataires s’élevaient à 10,5 % du loyer garanti, tandis que celles des sociétés Les Galeries Lafayette et Super 3000, membres fondateurs, étaient égales au montant total des précédentes.

Dans cette décision (Cass. 1re civ., 4 avr. 2006, pourvoi n° Q 03-13.894, arrêt n° 654 FS-P+B) étaient en cause, les modalités de gestion d’un centre commercial.

En effet, lors d’une assemblée générale de l’association, il avait été décidé que, dorénavant, les cotisations locatives seraient calculées au prorata des millièmes occupés, celles des deux membres fondateurs étant plafonnées respectivement à 800 000 et 200 000 F.

Un recours contre cette décision était déposé par un des membres, la société CRC, preneur à bail pour quatre établissements de restauration dans le centre, minoritaire lors de ce scrutin. A l’appui de son assignation en annulation, ladite société invoquait l’existence d’un « abus de majorité », et la Cour d’appel d’Aix en Provence lui donna raison.

La Cour de cassation a décidé de confirmer l’arrêt rendu par les juges du fond et le pourvoi formé contre la décision rendue en appel a récemment été rejeté : « Attendu que l’arrêt relève, d’une part, que, d’après le procès-verbal de l’assemblée générale repris de l’exposé des motifs, la nouvelle répartition avait essentiellement tenu à la volonté de la société Les Galeries Lafayette de limiter forfaitairement sa participation au budget total indépendamment de l’importance de celui-ci, que les deux magasins Galeries Lafayette et Super 3000 tout en continuant à occuper 60 % des locaux, y contribueraient désormais pour 25 % puis 13 % au lieu de 50 % initiaux, tandis que la modification intervenue avait augmenté de 480 % la cotisation de la société CRC ; qu’il relève d’autre part qu’aux termes de l’article II des statuts, l’un des buts de l’association est de travailler à la défense des intérêts communs à ses membres ; que de ces constatations, la Cour d’appel a déduit souverainement que les résolutions litigieuses, qui concouraient en l’espèce à limiter considérablement la charge des membres fondateurs tout en aggravant notoirement celles des autres adhérents et en particulier de la société CRC, avaient été prises dans l’unique dessein de favoriser les deux grandes surfaces majoritaires ; que la Cour d’appel … a caractérisé l’atteinte à l’intérêt collectif et ainsi légalement justifié sa décision. »

Cette décision est intéressante à plus d’un titre :

  • en premier lieu, l’atteinte à « l’intérêt collectif » se substitue, ici, à « l’atteinte à l’intérêt social », notion bien connue en droit des sociétés (D. Schmidt, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, Joly éd., 2004, n° 318 et s.) ;
  • en second lieu, cette notion d’intérêt collectif, disctincte de la volonté exprimée par la majorité, est nouvelle. Nul doute qu’elle devrait trouver à s’appliquer dans de nombreuses autres décisions intéressant le droit des associations. En tout état de cause, elle devrait aujourd’hui permettre aux juges de s’immiscer dans des conventions de droit privé qui « normalement tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (C. civ. art. 1134).
  • enfin, la Cour de cassation nous donne encore un exemple de ce que le droit des sociétés s’impose de plus en plus comme un véritable droit subsidiaire en matière de fonctionnement associatif ( à rapprocher de Cour de cassation, 1ère ch. civ. 3 mai 2006, n° 729 FS-P : voir en ligne).

Pour en savoir plus :

Cass. 1re civ., 4 avr. 2006, pourvoi n° Q 03-13.894, arrêt n° 654 FS-P+B : Voir en ligne

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